Texte
de Hanokh Levin interprété par Daniel Kenigsberg
sous la direction de Olivier Barazuc.
"Menschel et Romanska" du dramaturge israélien
Hanokh Levin donne une version dantesque de la première
rencontre entre deux inconnus qui ont pris rendez-vous par téléphone.
Le tout possible du virtuel suscite espoir et fantasme qui s'écrasent
en l'espèce lamentablement dans les réalités
cruelles de l'ordinaire.
Il est mufle et avare, elle est mesquine et laide et Cupidon
fait aussi shabbat. Mais comme il n'est pas de bon ton de briser
tout net sans respecter un minimum de convenances, les voilà
partis pour dîner. Mais Menschel veut se débarrasser
du fardeau le plus rapidement possible et pour le moindre coût
et Romanska, au contraire, pour vider sa bile, veut le faire
amplement cracher au bassinet.
Cela donne l'épique épopée du falafel
consommé dans le temple graillonnant dudit mets - "spécialité
yéménite bon marché qui est devenue - comment
en sommes-nous arrivés là ? - notre plat national"
remarque Hanokh Levin avec son sens aigu de la critique sociétale
israélienne, au cours de laquelle, comme l'indique Laurence
Sendrowicz, sa traductrice attitrée, ils se livrent à
"une double lutte acharnée, d'abord contre eux-mêmes
et ensuite contre le miroir d'eux-mêmes que leur renvoie
l'autre".
Cette nouvelle au comique éprouvé et à
l'humour noir ravageur contient la substantifique moelle de
l'œuvre de Levin quant à la nature humaine, et ce
qu'il nomme "la grandeur de la petitesse humaine",
et à l'infernal huis clos du couple.
L'adaptation pour la scène montée par Olivier
Barazuc est un véritable bijou et une extraordinaire
pépite grâce à l'interprétation exceptionnelle
de Daniel Kenigsberg.
A la fois narrateur pince sans rire qui ne peut toutefois conserver
bien longtemps son quant à soi et intervenant empathique
qui s'investit dans le tréfonds de l'âme douloureuse
des deux protagonistes, il mène ce récit d'une
cruauté jubilatoire tant à son apothéose
burlesque, littéralement à en pleurer de rire,
qu'à son inattendu dénouement philosophico-poétique
qui s'inscrit dans l'indéfectible humanisme de Levin.
A ne rater donc sous aucun prétexte. |