Dès
les premières pages, Karin Slaughter place d'emblée
la barre très haute dans "Hors d'atteinte"
qui commence par l'enlèvement de deux femmes dont une
est brûlée vive et qui se voit mourir, dans une
voiture qui finit par exploser sous les yeux de l'autre, une
femme policier que l'on retrouve en état de choc.
Le lecteur choqué lui aussi par cette déflagration
de violence décrite de manière implacablement
brutale et réaliste pense que le soufflé ne peut
que retomber.
Fausse déduction car l'auteur s'y connaît pour
maintenir la tension addictive qui ne connaîtra aucune
baisse de régime, pas même avec son dénouement
terrifiant, et hisser le taux d'adrénaline à son
maximum dans un roman qui ne vole pas son étiquette de
thriller.
L'enquête marathon, qui tient en une semaine chrono,
menée par le supérieur et collègue de la
femme survivante, qui a pris la poudre d'escampette, et son
épouse, médecin-légiste, est racontée
à partir de deux récits parallèles et cependant
en décalage temporel, l'un en amont de l'autre et l'éclairant
par une sorte de rétro-projection.
Elle se déroule dans l'Amérique profonde, dans
une petite bourgade de ce Sud poisseux, tant par ses idées
que par son climat, qui ne s'est jamais remis de la défaite
lors de la guerre de Sécession et macère tel un
cul de basse fosse où tous les fléaux qui rongent
les neurones et les coeurs, pauvreté, alcoolisme, drogue,
racisme, néo-nazisme, violence sous toutes ses formes
à commencer par la violence familiale, bêtise,
corruption, meurtre et barbarie ont trouvé terre d'asile
effaçant toute trace d'humanité et que l'amour
a déserté.
Karin Slaughter, représentante du style gothique sudiste,
livre un thriller haletant et stressant, un western sanglant,
une fresque boschienne qui plonge au cœur des atavismes
et décortique les zones de ténèbres et
les secrets qui obscurcissent la raison des hommes immergés
dès leur naissance dans une société délétère.
Sa plume est trempée dans une encre résolument
noire qui ne croît pas à la rédemption même
si certains personnages sortent grandis ou apaisés par
les épreuves subies qui se caractérisent toutes
par une perte irrémédiable. Le bout de la route
est encore loin. |