Comédie dramatique de Suzan-Lori Parks, mise en scène de Cristèle Alves-Meira, avec Cédric Appietto, Julien Béramis, Gina Djemba, Laurent Fernandez, Céline Fuhrer, Mickaël Gaspar et Xavier Legrand.
Après avoir présenté dans ce même lieu du Théâtre Athénée-Louis Jouvet "Les nègres" de Jean Genet en 2007, la jeune et talentueuse metteur en scène Cristèle Alves-Meira y revient avec "Vénus" un texte de l'auteur afro-américaine Suzan-Lori Parks qui œuvre dans le même registre.
En effet, à partir de la narration fictionnelle d'une histoire vraie, qui s'est déroulée au début du 19ème siècle colonialiste qui vit l'émergence de sciences nouvelles comme l'anthropologie et l'ethnologie, elle traite de l'universalité et l'intemporalité de deux problématiques récurrentes, celle de l'identité et de l'altérité, à travers la relativité de la vérité scientifique qui toute puissante amène à la classification du genre humain et la réaction innée de l'homme qui tient à la fascination-répulsion pour la différence.
Cette histoire vraie est celle de la destinée pathétique d'une esclave noire, Saartjie Baartman, baptisée la Vénus hottentote, du nom de la tribu sud-africaine à laquelle elle appartenait, qui fut exhibée en Angleterre comme un monstre de foire, au même titre que les autres freaks des zoos humains, en raison de particularités physiques, - en l'occurrence une hypertrophie des fesses et du sexe propre de surcroît à exciter l'imaginaire et la trivialité - qui ne répondaient pas aux canons de la beauté et de la normalité de l'époque érigés par les blancs, et en France comme une curiosité anatomique avant finir dépecée et dispersée au nom de la science.
Avec la même équipe à la scénographie et aux costumes (Yvan Robin et Benjamin Brett), Cristèle Alves-Meira décrypte l'écriture de Suzan Lori-Parks qui emprunte à diverses genres théâtraux, de la tragédie grecque au vaudeville en passant par le conte macabre pour procéder à la superposition des niveaux de représentation et de jeu - masques, vidéo, fantasmagorie - qui correspond à son style de prédilection en terme de dramaturgie et de mise en scène mais qui, du fait de leur surabondance, occultent parfois le fond du propos sans toutefois remettre en causeni la qualité de son travail ni la pertinence du spectacle.
Sur scène, le jeu des comédiens, parfaitement en adéquation avec l'univers ambigu dans lequel se déroule cette terrible épopée, met en évidence le dualisme presque constitutionnel de l'homme qui n'est jamais présenté de manière manichéenne.
Sous la conduite d'un inquiétant déterreur de cadavres narrateur (Julien Béramis) et la "bénédiction" d'un choeur sans affect (Céline Fuhrer, Mickaël Gaspar et Xavier Legrand), la mère monteuse de phénomènes (inquiétant Cédric Appiotto si à l'aise dans les rôles interlopes) et le baron docteur (Laurent Fernandez excellent) instrumentalise à souhait la lumineuse Gina Djamba, jeune comédienne prometteuse issue de la dernière promotion du CNSAD, qui transcende de manière très incarnée l'infortunée Vénus.