Comédie
dramatique de Patrick Suskind, mise en scène de Vincent
Marguet, avec Gilles Hoyer.
"La contrebasse" de
Patrick Suskind plonge au cœur de la solitude d’un homme
coupé de la réalité du monde dans son appartement transformé en studio insonorisé,
et cellule capitonnée pour une folie ordinaire, celle d'un contrebassiste uni
par un lien obsessionnel d'amour-haine envers un instrument et un métier
choisis pour de mauvaises raisons qui a envahit sa vie tant au sens figuré
qu'au sens propre par son gabarit.
Pour cet homme solitaire, musicien médiocre et anonyme au sein
d’un orchestre fonctionnarisé, individu ordinaire, complexé et introverti,
qui n’a pas les moyens de ses ambitions ni même de ses désirs,
l’instrument, "cet instrument féminin grave comme la mort", après avoir été
un substitut affectif sublimé, avec qui il formait un couple qui, au fil du temps
comme tous les couples, connaît l’usure des sentiments, le délitement du plaisir
et, faute de rupture possible, la novation de l’amour en haine, est devenu
le bouc émissaire de toutes ses déceptions, désillusions et rancoeurs.
Entre deux concerts, il se livre à des logorrhéiques divagations musicalistiques
et métaphysiques qui naviguent entre émotion, vitupérations, désespoir,
auto-flagellation, forfanterie de gosse mal aimé, auto dérision comme ultime
technique de survie et dénigrements.
Sous la direction de Vincent Marguet qui met l‘accent
sur la rouerie empathique du personnage et l‘humour noir inféré par le texte,
Gilles Hoyer,
s’empare avec délectation de ce beau texte à servir et de ce personnage hors norme qui se débat
de manière maniaco-dépressive avec ses propres délires, un personnage
sur mesure pour un comédien capable de partir en vrille en une seconde.
Car Gilles Hoyer c’est un maelstrom humain qui enchaîne rage et poésie sans transition,
une bombe humaine qui, tour à tour, explose et implose en éclaboussant d’humanité
et un clown furieux qui passe du rire aux larmes, un grand gaillard à la bouille de
gamin facétieux qui peut se métamorphoser à vue en inquiétant psychotique, un speedy gonzales
aux bottes de sept lieux qui cavale de la scène à la salle, qui détruit le décor et
dont le coeur pleure quand son personnage souffre.
Du grand art. |