Le groupe américain Midlake, originaire du Texas, propose depuis quelques années un folk-pop artisanal, dont l’expression la plus aboutie correspond à l’album The Trials of Van Occupanther sorti en 2006. Leur dernier disque, The Courage Of Others, décline sur le même plan, en le confirmant, le ton de ce précédent album. Sur scène on retrouve cette lenteur qui caractérise chaque chanson.
Cette musique se maintient en réalité dans un espace délimité, un milieu confortable sans une seule ouverture vers le dehors. Cette constatation est très concrète : je veux dire que cette notion de "Dehors", faisant défaut au groupe, produit un sentiment d’enfermement, pour ne pas dire d’étouffement, qui rend le concert difficile à suivre. Je ne dirais pas que la soirée était pénible : au contraire réécouter des chansons plutôt bonnes comme "Roscoe" ou "Van Occupanther" reste un plaisir.
Mais quelque chose bloque : à un moment donné, on ne parvient plus à avancer avec le groupe. Ce qui me fait penser à mes premières écoutes de The Trials of Van Occupanther. Je l’avais initialement beaucoup écouté pendant deux semaines, en boucle (peut-être parce que je n’avais rien d’autre sous la main à cette époque). Ensuite le désir est retombé ; l’engouement m’est passé. J’ai rangé le disque dans la rangée du fond de ma bibliothèque, là où certains disques sont inaccessibles, persuadé qu’il se passera du temps avant que je ne le réécoute.
C’est en fait gênant de critiquer un groupe qui ne le mérite pas : les chansons sont brillantes, élégantes, denses ; mais, comme disait Serge Daney, ce n’est pas avec une succession d’adjectifs qu’on construit une critique valable. Ce qui pose problème est que, dans la presse musicale – la lire aujourd’hui relève d’une corvée – les éloges systématiques empêchent de comprendre le point suivant, réellement important : qu’en est-il de l’influence majeure de The Byrds chez Midlake ? Il est évident que reconnaître ce parallèle permettrait de réévaluer ce dernier groupe, en disant par exemple que la puissance mélodique des Byrds disparaît ici au profit d’une nonchalance assez quelconque. Mais personne ne semble s’en inquiéter ; au contraire on fait semblant de ne rien voir, de se contenter d’applaudir, de ne rien relever de ce hold-up musical. Notre époque, on le sait depuis longtemps, préfère la copie à l’original. Bientôt, ce sera la copie de la copie qui fera couler un peu d’encre, dans les colonnes numériques de la futilité.
Le français Cascadeur, en première partie, semble sortir directement de l’album Very des Pet Shop Boys : je parle des photos du livret représentant les musiciens en uniforme jaune et bleu, casque et lunette impossibles, attitude kitsch (génialement kitsch devrais-je dire). La comparaison avec le duo britannique s’arrêtera là, même si la musique de Cascadeur est en majorité synthétique : boucles de claviers, électro, samples préenregistrés.
En dehors de ce jeu avec le masque, et de l’humour qui lui sera associé pendant toute la durée de cette partie, on peut se réjouir de cette pop élégante, bricolée avec minutie, et de la facilité avec laquelle l’auteur installe à chaque titre une ambiance différente. La voix, au premier abord faible, trouve naturellement son propre cheminement par-dessus les arrangements électro. Si l’on tient compte de la mise en scène de cette étrange personne dont le visage reste constamment caché, force est de constater qu’elle intrigue, et amuse − résolument ; et qu’elle ne constitue qu’un élément supplémentaire, et dispensable, à ces compositions réussies. |