Il y a des voix qu'il faut prendre le temps d'apprivoiser, sans s'arrêter à la surprise d'un timbre déroutant : il est rare en effet d'apprécier la première écoute d'un hors-piste loin de ces sonorités glacées auxquelles nos oreilles sont habituées. C'est le cas par exemple pour Joanna Newsom, qui décontenance toujours ceux qui ne connaissent pas encore cette voix de femme-enfant écorchée. On retrouve certaines intonations similaires dans le chant de Sarah Blasko : un ton voilé, feutré et pourtant délicieux.
La demoiselle n'en est pas à ses débuts : encore peu connue chez nous, l'Australienne est déjà solidement implantée dans son pays d'origine, où elle est saluée par de nombreuses récompenses et critiques. Ce n'est pourtant que pour son troisième album, As day follows night, qu'elle ose franchir les frontières et partir à la conquête du monde.
Ce n'est pas sans préparation qu'elle s'est attelée à cette entreprise : l'album a été produit par Björn Yttling, le fameux bassiste de Peter Bjorn and John. L'enregistrement s'est ainsi fait à Stockholm, où les deux artistes ont voulu développer un univers innovant paradoxalement teinté de nostalgie. S'en résulte un album de pop mélancolique aux airs jazzy, à l'instrumentalisation minimaliste qui ne fait que sublimer la voix fragile de Sarah.
On se laisse vite emporter dans ces ballades lyriques et leurs paroles jouant entre chaud et froid. Ces dernières révèlent un besoin cathartique de remise en question, contenant des phrases telles que "I don't even understand me, so don't think that you can help" ou encore "All I want is to one day come to know myself". On est ainsi plongé dans une introspection assez sombre contrastant avec la légère gaieté des mélodies. Parmi elles, on retiendra notamment l'inspiration western du single "All I want", la forte influence de jazz de "No turning back", ou encore le langoureux "Bird on a wire".
Au fur et à mesure de l'écoute, on regrette cependant une forte redondance des morceaux, engendrant une certaine lassitude une fois passée la surprise de la découverte. La recette n'est pas très variée : de fortes percussions en arrière-plan pour marquer le rythme, quelques touches de violons et de piano pour accentuer le côté mélancolique, une répétition assez pesante des mêmes paroles plusieurs fois de suite... L'univers enchanteur de Sarah se trouve quelque peu voilé par cette uniformité. Il aurait été préférable qu'elle développe un son plus tonique comme dans le morceau "No turning back", dont le rythme militaire et métronomique ajoute un peu d'énergie à l'ensemble plutôt terne.
As day follows night est ainsi un album agréable à écouter en fond d'une soirée d'été entre amis, rafraîchissant et reposant à défaut d'être euphorisant. |