À croire que la soupe musicale servie par une télévision populaire reste un mets privilégié pour la majorité des Nordistes, bien peu présents au concert d'Efterklang au Grand Mix jeudi soir en comparaison du Splendid qui affichait salle comble avec Amel Bent le même jour.
Qu'importe, on privilégiera la qualité à la quantité, fort à son plaisir de pouvoir respirer et librement aller et venir dans la salle de Tourcoing. Comité restreint, on l'aura compris, mais bien ciblé : Efterklang est certes loin de remplir la grille des programmes de M6, mais a bien creusé sa place dans un univers musical croisant post-rock et électro. Sonorités déformées et lumières psychédéliques au programme, les danois comptent bien défendre leur dernier album, Magic chairs, sorti il y a quelques mois à peine.
C'est majoritairement en shorts qu'ils arrivent sur scène, ravis de découvrir les hautes températures de ces derniers jours malgré l'orage qui tonne au dehors. Ce n'est pourtant pas le look excentrique du leader Casper Clausen qui le rend antipathique aux yeux du public, bien au contraire : une connexion immédiate se crée avec lui dès le début du concert aux premières notes de "Full moon".
Il est attachant, ce chanteur : un sourire enfantin, des yeux malicieux, et surtout un bonheur perceptible d'être sur scène, sur laquelle il ne cesse de s'avancer pour héler ses spectateurs, à leur plus grand plaisir. Que ce soit par les clappements de main de "Raincoats", les claquements de doigts sur "Caravan" ou la reprise des chœurs du dernier "Mirrors mirrors", le public est fortement incité à prendre part aux morceaux et faire partie intégrante de leurs instruments.
Une connexion toute aussi forte se fait sentir au sein du groupe, gratifié de quelques membres supplémentaires pour l'occasion de la tournée. C'est ainsi qu'on pourra notamment apprécier la voix féminine d'Anna Brøsted, bien plus convaincante en chœur que durant son apparition solo précédant celle d'Efterklang sur scène, où elle représentait Heather Woods Broderick sans Broderick. Une jeune demoiselle seule au chant fluet, guitare à la main et arrangements enregistrés sur cassette audio : l'absence de Broderick se fait sentir, ses ballades bien qu'agréables sont bien plates et lisses, on la trouve bien mieux à sa place en accompagnement d'Efterklang où sa voix se superpose à merveille à son clavier et aux mélodies du reste de l'ensemble.
Partagés entre batterie, guitares, synthés, saxophone, arrangements par ordinateur et chants, Efterklang crée avec ces nombreux instruments des morceaux riches de polyphonies et entrecroisements mélodiques. Certains spectateurs sont déçus de l'approche bien plus pop du dernier album, majoritairement présent dans la setlist : "I was playing drums" ou encore "Harmonics" sont bien légers, et perdent l'aspect sombre et bien plus électro qu'on peut trouver dans de plus anciennes pièces telles que "Step aside", ce dernier morceau étant accompagné sur scène d'un jeu de lumières stroboscopiques fort marquant. Une autre partie du public, au contraire, est ravie d'entendre la voix de Casper Clausen s'imposer et prendre les devants de différents titres, avec lesquels les plus imaginatifs ont tiré un parallèle au dernier album d'un plus connu Chris Martin, au timbre de voix similaire.
Efterklang se sont-ils vendus à la pop, ou au contraire raffinent-ils leur genre ?
On peut se poser la question, mais en aucun cas douter de leur talent : les commentaires du public à l'issue du concert sont unanimes, allant de "C'était magique !" à "Je n'ai pas vu le temps passer" : le monde présent devant le stand de merchandising à l'issue du concert témoigne de la réussite de ce dernier.
Certains spectateurs pourtant déçus de la tournure qu'a pris le groupe retiendront avant tout de la soirée sa première partie, Luminocolor. Ce duo Lillois, véritables geeks de la musique, a réussi à diffuser son univers dans toute l'enceinte du Grand Mix, fort de compositions musicales expérimentales et de projections hypnotiques sur grand écran. Mêler l'image au son pour créer une entité scénique à part entière, le pari est réussi haut la main. Même si on sent quelques influences sous-jacentes telles que Tortoise, on s'en affranchit vite pour plonger dans ce spectacle qui remue les sens. Benoît Farine et Olivier Minne ne font qu'un tant ils se complètent, l'un au saxophone, l'autre à la batterie et mélodica, les deux à leurs ordinateurs, enregistrant samples et les déformant pour donner à leurs compositions une toute nouvelle profondeur. Le départ de chaque morceau en musique acoustique prend vite une tournure expérimentale et inhabituelle à force de manipulations électroniques, réussissant à créer un tout autre monde illustré par les projections sur le fond de la scène.
On se retrouve ainsi projeté dans une ballade en forêt tête vers le ciel, faisant un détour dans une grande ville asiatique avant d'être à bord d'une pirogue en pleine contrée exotique, avant d'assister à l'évolution de paysages urbains.
Tout comme la musique, les images sont manipulées, hachées, coupées, traitées, donnant ainsi à leur visionnage une dimension toute nouvelle.
Que ce soient les souvenirs évoqués par "Fragments", le fourmillement de "Enio" ou encore le planant "Again and again", chaque pièce génère une multiplicité de sensations et d'imaginaires, en parallèle avec le support visuel qui le complète. Une totale immersion dans un genre encore peu connu, au nom d'un croisement étrange : la folktronica. |