Réalisé
par Karen Shakhnazarov. Russie. Comédie
dramatique. Durée : 1h23. (Sortie le 5 mai 2010). Avec Vladimir
Ilyin, Alexey Vertkov, Alexander
Pankratov Chyorny, Evgeny Stychkin
et Victor Solovyev.
Si l’on excepte quelques noms déjà célèbres du temps de l’Union
Soviétique (Mikhalkov, Kontchalovski, Lounguine), on ne connaît
presque rien du cinéma russe actuel.
Voir "Salle n°6 Tchekhov" de Karen Shaknazarov est donc une occasion quasi unique de vérifier qu’il se passe
cinématographiquement encore des choses sous l’ère Poutine. Et des choses qu’il faut regarder avec attention.
Évidemment, on pourra s’étonner qu’en 2010 la modernité russe soit encore à chercher du côté de Tchekhov.
Pourtant, l’adaptation limpide de sa nouvelle Salle n°6 permet d’en dire beaucoup sur l’âme russe revenue
d’un siècle tourmenté où elle a été mise à moult épreuves.
Karen Shaknazarov réussit un film à la fois expérimental et classique, en immergeant des acteurs parmi
les pensionnaires d’un hôpital psychiatrique. Ne faisant pas de différences entre les uns et les autres,
elle donne à sa plongée dans l’univers de la folie une vraie étrangeté dont l’événement majeur sera le
basculement du docteur Raguine du côté de ses malades.
Les sevrés de cinéma russe profiteront de cette séance pour vérifier la grande valeur des comédiens russes.
Là où ses homologues américains en feraient des tonnes, pour "voler au-dessus du coucou", Vladimir
Ilyin,
l’acteur extraordinaire qui joue Raguine, est, paradoxalement, tout en sobriété pour incarner un alcoolique
angoissé par son prochain passage de "l’autre côté".
Bien sûr, cette traversée d’un monde sombre, toujours soumis à l’inertie administrative, à l’emprise
des êtres les plus forts sur les plus faibles, conforte la vision du "malheur" russe.
Cependant, se lit dans "Salle n°6 Tchékhov" cette irrépressible envie de "vivre quand même"», cet espoir fou
en l’espoir, qui caractérise toutes les grandes œuvres russes. |