Réalisé par Juan José Campanella.
Argentine/Espagne. Mélo policier. Durée : 2h09 (Sortie le 5
mai 2010). Avec Soledad Villamil,
Ricardo Darin, Guillermo
Francella et Pablo Rago.
Beaucoup de spectateurs risquent d'aller voir "Dans
ses yeux" pour une mauvaise raison un peu chauvine :
comprendre pourquoi Hollywood a préféré donner l'Oscar du meilleur
film étranger à ce film plutôt qu'à "Un
prophète" de Jacques Audiard.
Ils découvriront vite que les Américains ont choisi un film qu'ils ne savent pas faire, un "mélo policier" excessif et flamboyant, plutôt que de récompenser une œuvre française qui lorgne presque jusqu'au mimétisme du côté de leurs grands maîtres ès violence, Martin Scorsese en tête.
Mais, une fois plongés dans le film, ils aimeront sans réticence que Juan José Campanella les emporte sur des terrains mal connus des francophones : exacerbation des passions muettes et des sentiments cachés, plongée sans retenue dans la haine et la vengeance, exaltation de l'invraisemblance, fuite en avant dans un récit qui ose. Bref, s'ils combattent leurs réticences "cartésiennes", ils retrouveront sur l'écran le plaisir que procurent certains tenants de la littérature argentine qui, depuis Borges, sont les champions de ce va-et-vient ludique entre le réel et le fantastique.
Évidemment, il faudra faire fi d'une grammaire cinématographique plutôt fruste si on la compare à l'aisance maniérée d'un Jacques Audiard. Qu'importe, avec son sujet fort et des acteurs qui le portent sans douter, "Dans ses yeux" donne ce frisson d'émotion indéfinissable qui légitime toutes les statuettes hollywoodiennes |