Certains albums sont comme un aller-retour au supermarché : on y prend ce que l'on était venu y chercher, un single, une reprise ; on paie ; on s'en va. D'autres disques sont comme une balade en forêt, insouciante, que l'on écoute l'oreille distraite par la main de l'aimé dans sa main ; des disques à partager, gorgés d'émotion. D'autres disques sont comme un chemin de grande randonnée sous le pas du marcheur aguerri : c'est soi-même que l'on vient y rencontrer, au cœur de paysages majestueux que l'on n'aurait su imaginer, aux détours de chemins qui ne débouchent toujours que sur de nouveaux continents à explorer.
Certains disques sont comme des films hollywoodiens, bien calibrés, précisément montés, spectaculaires. D'autres sentent l'humour troupier franchouillard, façon maréchaussée et formes de vies venues d'autres planètes ; on y pète et on y rote autant que l'on y joue de musique ; on y dit des grossièretés en guise de paroles, comme si cela pouvait suffire. D'autres sont comme des films d'auteur, qui inventent leur propre esthétique au fur et à mesure qu'ils s'écrivent, qui font d'un studio d'enregistrement un laboratoire, d'une partition un message secret dont dépend le futur de l'humanité.
Certains disques sont à la musique l'équivalent du fast-food : une bouffe hors de prix, insipide, aseptisée, responsable de nombre de désastres digestifs dont les lieux d'aisance se souviennent parfois longuement, fallacieuse jusque dans ses ingrédients recomposés. Certains disques sont un plat familial, que l'on partage le dimanche dans la chaleur d'un foyer qui nous protège douillettement des intempéries extérieures ; patiemment mitonné dans l'un de ces plus vieux pots, avec l'amour et le savoir-faire inimitable d'une maman, qui nous rappelleront peut-être avec délice notre enfance. D'autres encore sont la spécialité d'un chef dont le renom n'est pas emprunté, élaborés et évidents tout à la fois, qui savent guider les papilles vers d'insoupçonnés délices, lui ouvrir de nouveaux horizons.
Il est des disques que l'on décrira patiemment, parce qu'il n'y aurait rien d'autre à en dire que le nom de ses musiciens, le nombre de cordes de ses instruments. Il est des disques que l'on ne comprendra bien que dans un contexte, dans une histoire ; des disques à propos desquels ce ne serait pas érudition gratuite que de savoir retracer un cheminement, expliquer une démarche ; des disques-concepts, parfois ; des disques intelligents, en tout cas. Et puis il y a The And. The And est quelque chose comme le deuxième album d'Angil & the Hiddentracks. Et c'est l'un de ces albums riches, décomplexés, inventifs, inspirés, créatifs, étonnants, raffinés, évocateurs, puissants, inattendus – de ces albums dont la question dépasse celle d'un genre ou d'un mouvement musical et qui vous changeraient volontiers la vie musicale, qui que vous soyez ; un de ces albums dont il ne devrait pas y avoir besoin de dire quoi que ce soit de plus ; certaines choses importantes se passent en musique, tout simplement. |