Spectacle
conçu, mis en scène et scénographié
par Judith Depaule, avec Marie de Basquiat.
Judith Depaule présente avec "Le
marteau" la première partie d'un création qui en comportera
quatre visant à s'interroger sur la place de la femme aujourd'hui
dans l'union européenne. C'est à travers le portrait de sportives
qui pratiquent des sports qu'on considère plus volontiers comme
physiques et masculins (haltérophilie, lutte, lancer, rugby)
qu'elle cherche à pointer du doigts l'inégalité des sexes.
Les sportives qui pratiquent ces disciplines développent généralement une musculature qu'on n'associe pas à la féminité. Quelles relations ces sportives entretiennent-elles avec leur corps, quel est leur rapport à la séduction, comment vivent-elles le regard des autres?
Dans "Le Marteau", Judith Depaule s'intéresse au cas de Kamila Skolimowska, première championne polonaise de lancer de marteau, puis première championne olympique lorsque cette discipline entre aux jeux en 2000.
Le marteau est une discipline de l'athlétisme qui réclame puissance, force, souplesse, vitesse, technique et coordination. Un bon lancer est obtenu grâce à la vitesse d'éxécution du mouvement, la force centrifuge appliquée au marteau en trois ou quatre tours d'élan se transforme en énergie, qui en fonction de l'angle du lancer, permettra au marteau d'atteindre une certaine distance.
Le mouvement : Marie de Basquiat dans l'espace restreint de la scène, tel le cercle dans lequel Kamila Skolimowska doit évoluer, se déplace avec équilibre. Le spectateur peut se concentrer sur le jeu de l'actrice tout en intégrant les informations sur l'athlète lors d'interviews diffusées en vidéo.
La technique : D'abord, il y a le jeu impeccable de Marie de Basquiat, qui malgré une silhouette très féminine, incarne la championne polonaise, Kamila Skolimowska, qui avait commencé sa carrière sportive à l'âge de 12 ans comme haltérophile. Ensuite, il y a l'utilisation de la vidéo afin de montrer le corps de l'athlète, l'entraînement, le mouvement des pieds, ce qu'elle-même voit lorsque, en rotation, elle s'apprête à lancer le marteau. Il y a aussi les séances de détente, piscine, massages, importantes pour appréhender le corps de la championne. La vidéo permet donc une approche plus documentaire.
L'angle horizontale : Le lancer du marteau se fait à partir d'une cage en forme de U, selon un angle de 34°92, à travers une ouverture de 4 m. L'angle selon lequel le sujet est abordé est forcément restrictif. La place de la femme dans divers pays européens à travers l'image de sportives pratiquant des disciplines d'habitude plutôt réservées aux hommes peut-elle mener à des réflexions nouvelles? Contrairement à toutes les pièces et à la littérature qui aborde la féminité au travers du prisme du lesbianisme, cette approche a le mérite d'être moins idéologique. On regrette néanmoins l'absence de traitement du thème de la sexualité. En plus, la mort prématurée de Kamila Skolimowska ne peut empêcher de se poser des questions sur le dopage dans le sport de haut niveau et en particulier sur la prise d'hormones. La féminité est abordée selon l'angle des tests de féminité dans le sport, tests scientifiques, mais aussi considérés comme dégradants et injustes.
L'angle verticale : Selon l'angle verticale du lancer, le marteau atterrira plus ou moins loin. On regrette que le spectacle de Judith Depaule s'intitule "Corps de femme" mais n'aborde pas la notion de transformation du corps. Car, en effet, Kamila Skolimowska avait-elle des prédispositions lorsqu'elle se lance dans la pratique de l'haltérophilie à 12 ans? Quelles sont ses motivations, le sujet est abordé mais son traitement reste superficiel puisque si le rôle du frère est abordé, celui des parents ne l'est jamais. Quel a été le rôle de l'entourage? A-t-elle eu une vie amoureuse? Ce dernier point n'est pas du tout traité alors que le corps est évidemment objet de séduction, mais aussi de désir et de satisfaction du désir.
Au final, Kamila Skolimowska fait penser à la hyène tachetée dans la mesure où, chez ces animaux, la femelle a un taux de testostérone plus élevé que chez le mâle, est donc plus massive et plus agressive que le mâle. Le portrait de Kamila Skolimowska dans un décor autre que celui du stade et des salles de musculation aurait sûrement permis d'approfondir des question comme : Quel est le rapport de Kamila Skolimowska aux hommes et aux autres femmes? Et plus généralement, pour cette championne, qu'est-ce que la féminité? Comment la perçoit-elle? Comment la définit-elle naturellement, culturellement, socialement ou politiquement? Ces thèmes sont abordés, mais on regrette qu'ils ne soient pas plus approfondis et illustrés.
Malgré une réflexion qui, bien qu'éloignée des lieux communs, semble plus s'intéresser à l'athlète qu'à la femme, ce spectacle, par le jeu, par l'installation vidéo et la mise en scène qui l'utilise parfaitement, est réussi dans sa forme. Il a surtout l'intérêt de soulever des questions intéressantes qui, on l'espère, seront à nouveau abordées dans les trois prochains spectacles du quadriptyque. |