Réalisé
par Sebastian Cordero. Espagne. Mélodrame fantastique. Durée
: 1h35. (Sortie 2 juin 2010). Avec Martina
Garcia, Gustavo Sanchez Parra,
Iciar Boilain et Concha
Velasco.
Un réalisateur équatorien, un roman argentin, des acteurs colombiens.
C'est tout le continent latino-américain qui s'est coalisé dans
"Rabia" pour faire renaître au cœur
d'une maison bourgeoise de Madrid l'esprit classique du mélodrame
fantastique.
Depuis le triomphe du cinéma d'Almodovar, on était plutôt habitué à suivre dans les quartiers branchés de la capitale espagnole des récits exubérants cachant, sous une forme virtuose et labyrinthique, leur refus de prendre au sérieux le genre mélodramatique.
À l'inverse, "Rabia" nous ramène à l'essence rigoureuse du genre, à son âpreté, à son refus de la moindre concession pour s'en tenir strictement à la trivialité de la situation d'origine.
Jamais les cris des spectateurs demandant la grâce des personnages ne seront entendus : on est sur les rails d'une fatalité que rien n'y personne ne peut dérouter vers un méprisable happy end en contradiction avec l'histoire qui vient de se dérouler. On aboutira donc logiquement au dénouement impitoyable que l'on pressent dès ces premières minutes où le réalisateur nous confine dans les recoins d'une maison-monde, à la fois nourricière et meurtrière.
Héritier des héritiers argentins d'Henry James et de Witold Gombrowicz, pas loin des films claustrophobes de Leopoldo Torre-Nilsson, voire de certains Bunuel mexicains, 'Rabia' a un autre culot : celui d'offrir cet amour fou sans issue à deux immigrés transcendant ainsi le désastre annoncé de leur pauvre condition.
Ceux qui seront acquis au film en sortiront avec une émotion redoublée en entendant dans la scène finale la plainte-off parlée d'une diva du tango : "Quand tu ne seras plus là, je me noierai dans ton ombre".
Quelqu'un qui aimait les mélos et la chanson populaire aurait conclu d'un tout à fait définitif "sublime, forcément sublime". |