Réalisé
par Pierre Romanello. France. Western.
Durée : 2h05. (Sortie 2 juin 2010). Avec Frédéric
Ferrer, Romain Bertrand et
Lionel Tavera.
Chaque fois qu’apparaît sur les écrans un western français, il y a deux réactions possibles : soit on loue avec condescendance cette tentative isolée, soit on se moque de ce "western camembert" jugé avant même de le voir comme une chose ridicule appartenant à la catégorie infâmante des "nanars".
Les deux attitudes reposent sur une égale ignorance : celle de l’existence, dès les débuts du cinématographe, d’un western à la française. Dans les années 1900-1910, en Camargue, on tournait de nombreuses bandes où s’affrontaient des cowboys et des Indiens made in France. Bien qu’on n’ait pas souvent l’occasion de visionner ses films, la mémoire cinéphile conserve le nom de Joe Hamman, la grande vedette du western français de cette époque.
Depuis on a souvent vu des parodies du genre avec des acteurs comiques comme Fernandel ("La Terreur de la Pampa"), Fernand Raynaud ("Fernand Cowboy"), Bourvil ("Sérénade au Texas"). On a même vu le retour du western camarguais grâce à Johnny Hallyday dans "D’où viens-tu Johnny ?", le même Johnny tournant pour Robert Hossein un western "spaghetti à la française", "Le Spécialiste".
Mais c’est surtout par le biais de la bande dessinée que les Français ont perpétué récemment une production western avec "Blueberry et Lucky Luke", ce dernier étant par ailleurs le sujet d’un très grand nombre de films d’animation francophones.
Tout ça pour dire que "Les Colts de l’or noir" n’est pas un film qu’il faut juger comme une exception, pas plus qu’il ne faut s’appuyer sur la modestie de sa production et sur un casting comprenant une majorité de non professionnels pour en faire un "Ovni filmique" ne pouvant être comparé avec les autres films présents sur les écrans.
Le meilleur compliment que l’on pourra faire au film de Pierre Romanello est justement d’écrire que c’est un film comme les autres et qu’il mérite d’être jugé non à l’aune du western à la française mais du western tout court.
Jamais approximatif dans son contexte, soigné dans sa facture, le film est vraiment un western. Même si le tournage en vidéo Haute définition peut lui donner des airs de téléfilm, il s’en sort bien grâce à une très belle photographie et au talent de Pierre Romanello qui alterne les plans sans jamais s’enfermer dans de systématiques champs-contrechamps.
Avec une intrigue très linéaire, on est ici dans la tradition du western B plutôt que dans la lignée d’œuvres plus complexes comme les films d’un John Ford ou d’un Anthony Mann.
On aurait donc aimé qu’à l’instar de Budd Boetticher, le maître
du genre, Romanello travaille un peu plus dans la concision.
Pourtant, on ne le blâmera pas d’aimer prendre son temps pour
filmer des chevaux magnifiques et l’on suivra sans ennui l’affrontement
entre Frédéric Ferrer et Romain
Bertrand, totalement à l’aise dans un genre qui ne souffre
aucune médiocrité de jeu et requiert d’habitude des acteurs
chevronnés.
Portée par une prometteuse musique de Damien Deshayes, "Les Colts de l’or noir" est une œuvre pleine de charme et constamment sans calcul. Elle honore un cinéma français qui, même s’il l’ignore, ne survivra qu’à la condition qu’il reconnaisse enfin les qualités de ses francs-tireurs. |