Théâtre
musical d’après la pièce de Heiner Müller,
mise en musique par Michael Jarrell, mise en scène de
André Wilms, avec Gilles Privat, au chant Susanne Leitz-Lorey,
Raminta Babickaite et Truike van der Poel, et les Percussions
de Strasbourg avec Jean-Paul Bernard, Claude Ferrier, Bernard
Lesage, Keiko Nakamura, François Papirer et Olaf Tzschoppe.
"Le Père" de Heiner Müller est un texte autobiographique qui raconte de manière clinique l'absence du père. Alors qu'il est tout jeune, ce père, social démocrate, est emmené et frappé par les nervis du Reich en pleine nuit devant les yeux de son fils, confisqué au fils par le pouvoir nazi pour être enfermé dans un camp. Lorsqu'il ressort de ce camp, alors que l'Allemagne étend ses territoires, Heiner Müller observe ce père brisé, absent, hors de son rôle de figure paternel.
"Ein toter Vater wäre vielleicht ein besserer Vater gewesen. Am besten ist ein totgeborener Vater." ("Un père mort aurait peut-être été un meilleur père. Le mieux est un père mort-né".
Le texte est froid, exempt de sentimentalité. Un texte écrit sur des ruines de vie.
Pour soutenir ce texte, la musique de Michaël Jarrell, qui mêle sons électroniques, métalliques et percussions. Plus que de la musiques des empreintes sonores. Les sons sont transformés, percutants, violents, explosent sans logique d'un endroit ou de l'autre de la scène.
Cette pièce est parfaitement maîtrisée, par le conteur Gilles Privat, les chanteuses, les musiciens des Percussions de Strasbourg et les figurants. La lumière est souvent crue, blanche. Des projections vidéos sur des écrans constitués de fils blancs qui tombent du plafond constituent parfois le seul décor, parfois des mots projetés en français ou en allemand. Un décor en verticalité comme un rayon de soleil mort.
Cette pièce est la mise en scène par André Wims d'un texte dénué d'affects. On en apprécie l'aspect professionnel, les trouvailles scénographiques, l'utilisation des lumières. Elle est l'illustration d'un texte qui décrit la manière dont des régimes politiques ou économiques autoritaires, par l'efficacité professionnelle de serviteurs zélés vont briser un homme et faire avorter l'humanité en son fils. Une pièce intéressante, volontairement pas aimable, et encore tout à fait d'actualité. |