Réalisé
par Kim Chapiron. Etats Unis. Drame.
Durée : 1h31. (Sortie 23 juin 2010). Avec Adam Butcher, Shane Kippel, Mateo Morales, Slim Twig et Taylor Poulain.
Le film de prison est un genre encombré. Dans "Dog Pound", son second long-métrage, le jeune réalisateur français Kim Chapiron trouve un angle d'attaque plus original, puisqu'il s'intéresse aux centres où sont détenus au Canada les "grands adolescents" ayant franchi le seuil de la délinquance pour devenir des "pré-criminels".
Contrairement à "Un prophète" de Jacques Audiard, Chapiron ne s'appuie pas sur une thèse pour expliquer sa prison et pour lui donner un sens presque rassurant ; il ne recherche pas non plus un réalisme cinématographique en feignant d'oublier qu'il est dans la fabrication cinématographique. Il se contente de suivre le parcours de trois nouveaux venus dans ce système carcéral qui va fatalement les briser.
Il évite aussi l'écueil de l'ultra-violence gore ou sado-masochiste, voie fascisante, qui caractérise les films américains même les plus vantés, comme ceux des frères Coen et de Martin Scorsese. Chapiron sait s'arrêter juste à temps, juste pour faire comprendre que son personnage principal est à la fois un vrai révolté et la victime de pulsions de violence qu'il ne peut contrôler.
Ce qui frappe, et qui en fait peut-être déjà un cinéaste malgré sa jeunesse, c'est la mesure que Chapiron met dans son récit comme dans ses images : il ne surcharge pas inutilement les choses. Les gardiens ne sont pas des "matons" inhumains et caricaturaux mais des personnages ambivalents, parfois mus par de la compassion pour ces jeunes perdus et souvent dévorés de peur devant cette population incontrôlable.
Chapiron a un autre immense mérite : il ne dit pas, il fait comprendre. Ainsi, il est clair que le comportement de certains protagonistes relève plutôt de la psychiatrie et que la solution apportée dans cette "fourrière", où l'on prépare la plupart de ces jeunes gens à la "vraie" prison au lieu de les en préserver, est une mauvaise solution.
Certains diront que Chapiron a une pensée désuète, celle qu'on prêtait jadis aux "fictions de gauche" et qu'à l'heure actuelle, la vision plus ambiguë que sous-tend par exemple "Un prophète" est plus consensuelle.
Pourtant, il réussit avec une grande force à rendre crédible le moment où tout bascule, celui où l'on passe du chahut monstre de "Zéro de conduite" à la révolte absolue de "If", le film de Lindsay Anderson.
Quand ses "petits criminels" explosent, Chapiron a le souffle des créateurs qui répètent périodiquement qu'on a toujours raison de se révolter, quelle que soit la validité des motifs de sa révolte. On y lit une énergie à couper le souffle, une violence bien plus signifiante que celle qui tourne à vide gratuitement dans les films des réalisateurs américains déjà cités.
On se prend à penser au désespoir de "Punishment Park", on a le sentiment que ce film, commencé presque comme un banal récit de genre, a peut-être quelque chose de prophétique en lui et qu'il annonce des temps de colère que bien des films se plaisent à ignorer.
"Dog Pound" est un film qui remuera les indifférents et convaincra un peu plus les convaincus que le cinéma a encore un rôle social à jouer. On saura plus tard si "Dog Pound" aura été un signe avant-coureur de temps moins conformistes, ce qu'on sait désormais c'est que Kim Chapiron est un vrai cinéaste. |