Depuis 2008, le Domaine de Chaumont-sur-Loire, notamment connu par son château et réputé comme lieu de visite des passionnés d'horticulture avec son Festival International des Jardins créé en 1992, est devenu le premier Centre d'arts et de nature.
A ce titre, s'est adjoint à sa vocation originelle de mise en valeur du château, de ses dépendances et des collections historiques y attachées, un ensemble d'activités centrées sur la création artistique contemporaine.
Le millésime 2010 est placé sous le signe du corps et de l'âme, dualité métaphysique qui se retrouve in extenso comme thématique de la 19ème édition du Festival International des Jardins et déclinée sous celle des arbres et des âmes pour le Centre Arts et Nature.
Avec pour trait d'union, comme l'indique Chantal Colleu-Dumont, directrice du domaine, la poésie. Des préoccupations et des lignes directrices qui sont au cœur du travail des douze artistes plasticiens et photographes qui y est présenté.
Des arbres et des âmes
Tous les lieux composant le domaine, le château, les écuries, la ferme et le parc constituent autant de galeries d'exposition que les artistes ont investi toujours avec sagacité.
En premier lieu, le visiteur ne résiste pas, à son arrivée, à une promenade "à la fraîche" dans le magnifique parc paysager encore peu fréquenté qui se révèle également, pour qui prend la peine, tel un pèlerin, de regarder et de s'arrêter dans sa course avec le temps, une chasse au trésor. En effet, y sont disséminés les créations des artistes parfois presque dissimulés dans une nature exubérante.
Il (re)trouvera certes sans peine les monumentales sculptures en bois noirci inspirées par les faitures du château de Rainer Gross ("Toi(t) en perspective" et "Toi(t) à terre"), "L'arbre aux échelles" de François Méchain qui part à l'assaut du ciel ainsi que la "Gulliver"s forest" de Nils Udo qui a joliment prospéré à l'ombre d'un grand cèdre.
Mais plus discrètes sont celles de Anne et Patrick Poirier qui se sont immergés dans le lieu pour révéler les traces sensibles d'une histoire enfouie dans le passé ou, selon une conception unanimiste du monde, dans la mémoire des arbres, de la terre et des pierres qui traversent les siècles.
Invités d'honneur, ils proposent un parcours poétique composé de 8 installations qui ont toutes été crées en résonance avec les fouilles archéologiques menées sur le lieu.
Le silence, la méditation, la mémoire qui sont au centre de leur réflexion et de leur travail, se retrouvent ici dans "L'œil de l'oubli" fragment antique échoué dans un vallon, l'étrange "La Capella" futuriste qui renferme un cerveau en pierre, le "Lieu de rêve" un siège en qui permet la contemplation de l'Eglise en bord de Loire ou les vestiges d'une ville contenues dans un cerveau en bronze présenté dans la chapelle du château.
Autre artiste que le lieu a particulièrement inspiré, le plasticien autodidacte belge Bob Verschueren qui a pris ses quartiers dans différents bâtiments de la ferme pour créer ses oeuvres in situ à partir du bois élagué, des branches mortes, des troncs déracinés recueillis sur place durant l'hiver et qui constituent ses matériaux de base.
Œuvres hommage à la beauté plastique de la nature mais également à sa pérennité source de réflexion méditative sur le temps et l'éphémérité de la vie pour l'homme qui, souvent, ne vit même pas le temps d'un arbre notamment avec ces troncs siamois inversés plantés dans le pédiluve ("Réflexions") et la voûte de branches qui continuent encore à vivre en bourgeonnant tant que la dernière goutte de sève n'aura pas été utilisée ("Le chemin de la contrainte").
Marie Denis a choisi la Grange aux abeilles pour y sculpter et tresser un paysage imaginaire à base de plantes fourragères ("La main paysage") alors que Côme Mosta-Heirt a planté ses "Jambages", hommes sans tête en bois et en bronze, dans la serre.
Dans les écuries, à proximité de la "Spirale végétale" de Patrick Blanc installée en 2009 et de la volière mémoriale de Anne et Patrick Poirier, Benoit Mangin et Marion Laval-Jeantet ont planté un faux-vrai arbre divinatoire, "Unrooted trees", pour "exorciser leur tristesse confuse devant la déforestation équatoriale".
Dans le château, le plus saisissant est l'œuvre de Jannis Kounellis, figure majeure de l'Arte Povera, résultant d'une commande du domaine, installée pour trois ans en 2009, qui occupe 9 salles du château sur 3 niveaux différents.
La visite des appartements historiques permet de retrouver les tableaux scanogrammes de bouquets de la photographe brésilienne Luzia Simons et de découvrir l'œuvre ludique de Karine Bonneval, plasticienne spécialiste des extensions de plantes, a été inspirée par l'univers de la comtesse de Broglie et a parsemé le château de plantes vertes ornées, telles des belles des années folles, de pierres, de plumes et de fourrures ("Phylloplasties").
Le Centre Arts et Nature s'attache également à la monstration photographique et, cette année, parmi les quatre photographes invités, deux d'entre eux - le français Thibaut Cuisset avec la Syrie et le belge Marc Deneyer avec le Groenland - sont fascinés par les grands espaces désertiques et déserts dont la beauté sublimée, immortalisée de manière objective, est propice tant à la rêverie qu'au détachement spirituel.
Les deux autres, le japonais Toshio Shimamura et l'espagnole Marie-Jésus Diaz s'attache plus spécifiquement à la flore et à l'arbre.
La première avec sa série "Hivert" présente un travail de collage et de surimpression centré sur le graphisme des arbres. Le second revisite le pictorialisme floral et le genre de la nature morte par la pratique d'une photographie en noir et blanc sur fond noir au tirage saturé qui met en scène et dramatise la chair de la fleur dans un dialogue avec le temps et la disparition ("Esprit de fleurs").