Réalisé
par Julio Medem. Espagne. Comédie darmatique.
Durée : 1h58. (Sortie 11 août 2010). Avec DMauella Vellès, Nicolas Cazalé, Charlotte Rampling, Bebe et Asier Newman.
Si l’on a déjà vu des films de Julio Medem, particulièrement "L’Écureuil rouge" ou "Vacas", on sait qu’on n’est pas devant un cinéma simple et épris de mesure et que le réalisateur espagnol ne vise pas le consensus mou.
Pour accepter "Caotica Ana", il faudra supporter une histoire alambiquée, et faussement naïve, dans laquelle l’hypnose et la réincarnation tiennent les principaux rôles.
Mais la déraison chaotique qui chemine dans un compte à rebours fatal est proposée sous les traits hyper radieux de Manuela Velles. Cette toute jeune fille illumine le film de toute sa grâce fiévreuse.
Le réalisateur, en lui dédiant son film, ne cache pas qu’il rend dans "Caotica Ana" hommage à sa sœur, morte tragiquement dans un accident d’auto. Les œuvres supposées peintes par Ana sont d’ailleurs celles de sa sœur, elle aussi prénommée Ana. Quand Medem s’attarde un instant sur cette peinture émouvante de fraîcheur, fragile dans sa volonté de figuration, il se passe toujours quelque chose et l’on sent bien que toute la construction qui entoure ces images n’est parfois qu’un prétexte pour retrouver cette sœur perdue.
Pétri de symbolisme baroque, Medem aime bien créer de grandes figures qu’il faudra également accepter dans leur monolithisme : le père bohème vivant dans sa grotte d’Ibiza, le prince charmant arabe, le méchant Américain bushiste.
Mais ce chaos en forme de maelström, qui fait traverser le temps et l’espace, n’est pas une vaine dissertation esthétique : Medem parle constamment de la domination de l’homme sur la femme, de l’exploitation des hommes par les hommes et de l’asservissement des peuples par d’autres peuples.
On y verra, par exemple, des scènes presque documentaires sur le peuple sahraoui, peuple oublié de tous et confiné par les Marocains derrière un autre "mur de la honte".
Par sa construction, le film est propice aux "hauts" et aux "bas". Les scènes faibles se conçoivent parce qu’elles permettent des moments très forts, comme ce final d’une grande force, d’un anti-américanisme hispanique qui n’a pas d’égal dans la sphère francophone. Là, la petite Ana devient une sorte de Nikita, sans la gratuité du personnage de Besson. En transfigurant toutes les femmes qu’elle a été, elle venge tous les humiliés de la vie, tous les morts trop jeunes. Comme elle a la vengeance sereine, suprême utopie, le chaos millénaire s’achève.
Il faut tenter cette aventure. Même si elle irrite ou déconcerte, la vie déconstruite de cette jeune fille, dont un frère ne résigne pas à parler au passé, vaut tous les voyages plaisants avec les héroïnes convenues d’un septième art toujours bien trop sage.
|