J’arrive un peu à la bourre, 18h, pour apercevoir Coming soon premier concert du jour.
Du coin de l’oreille, ça ne m’attire pas plus que ça, et je n’en perçois pas grand-chose d’autre qu’un cowboy dégingandé.
Je dois me dépêcher, car nous avons une session acoustique et une interview d’Eiffel (bientôt disponibles sur Froggy’s Delight) dans l’intimité de l’Hôtel de Ville…
De retour sur le parvis, je trouve Gush, la bonne surprise de ce vendredi. Même si le registre du quatuor est plutôt à la pop entraînante, ça démarre à fond, par un morceau très guerrier, tribal, percutant, dans le ton rock’n roll du jour. Très vite, l’absence de leader et la versatilité des musiciens nous surprennent.
Mais ça fonctionne à merveille, on sent une forte complicité chez ces artistes qui appartiennent à la même famille, deux frères, deux cousins. Chacun chante à tour de rôle, repris par un public connaisseur, et quand leurs voix s’unissent, on se croirait sur la plage des Beach Boys. Les instruments tournent, jusqu’à l’échange direct de guitares entre Mathieu et Yan. Seul Vincent reste essentiellement derrière sa batterie, il appartient à ces batteurs chanteurs qui restent debout. Il donne tour à tour du gong puissant ou nous sort une petite ambiance caraïbe, pour que Xavier nous dise je t’aime en Norvégien, "Jeg Digger Deg" que nous reprendrons tous en cœur.
Et oui, les quatre chevelus ont le contact facile et ça tape des mains, ça chante et ça danse dans la fosse, belle prouesse à cette heure et cet endroit là, d’autres s’y sont échoués. Avec une intro baroque comme au clavecin, ils entonnent "P.Nis" leur ode sexuelle, do me do me all night baby, I just can’t get enough. Il y a de l’amour dans l’air, c’est frais.
Les coquins égrènent un répertoire court mais déjà varié devant le public qu’ils ont conquis en quelques mois. Ils ont de précoces fans, c’est clair, qui connaissent tout par cœur. Sur "Let’s burn again" je pense au Scissor sisters et à leur lignée qui remonte aux Beatles. Ces quatre garçons là ont du vent dans les cheveux et en poupe, à suivre au Bataclan le 30 novembre.
Ils laissent la scène à quatre filles, les Plastiscines. Ça démarre à nouveau à fond, par un gros tapage de batterie. Elles aussi ont leur public, et je me demande si c’est le même… Il n’y a rien à dire, ça continue à chauffer dans la fosse, mais les belles défraient la chronique. On aime, ou on n’aime pas. Le son est efficace, mais le jeu en agace plus d’un. On sent que tout ça est bien marqueté, ça manque un poil de spontanéité.
Est-il vraiment nécessaire de préciser qu’on fait du rock’n roll ou de se rouler par terre quand on n’a pas envie ? Ça passerait encore, si la reprise de "I love rock’n roll" de Joan Jet était à la hauteur, mais la guitare est faible… Voilà pour le côté on n’aime pas – je vous épargne certains qualificatifs entendus backstage – concentré sur le début du set.
De l’autre côté, on aime, la fin du set est plutôt réussie. D’abord une "Caméra" sans doute leur meilleur morceau en Français, pas facile. Suit un "Barcelona" au joli final qui tape des mains et met le feu. Et enfin leur tout dernier tube "Bitch". In disguise ? Pas sûr… Les filles se concentrent ainsi sur leur deuxième album, et évite même curieusement de jouer le tube qui les a propulsé "Loser". Au final, Katty saute dans la fosse photo, de la hauteur de la scène plus grande qu’elle, la sécu a l’air surprise. Voilà bien la chose la plus rock’n roll qu’elle nous ait servie.
Bon, ce n’est pas tout ça, mais le clou de la soirée, c’est évidemment Eiffel, que beaucoup attendent. Ici aussi, le groupe se concentre sur son dernier opus, le quatrième, le très abouti À tout moment. Comme dans l’album, on démarre en douceur sur "Minouche", Estelle au clavier avant de rejoindre la basse pour l’essentiel du concert. Vient ensuite le très rock’n roll "Cœur Australie" avec quelques emmerdes de réglages qui permettent à Romain d’entonner quelques mesures de "Billie Jean", et oui. C’est réglé, ils peuvent dérouler leur set jusqu’au bout de cette journée.
Romain nous fait remarquer qu’il reste à prouver que "À tout moment la rue peut aussi dire non", et enchaîne sur le magnifique "Sous ton aile" sur lequel Nicolas Bonnière, le nouveau guitariste exfiltré de chez Dolly ou Manu pour la tournée, se donne comme jamais. Il est marrant, tantôt déchaîné dans son coin solitaire, tantôt joliment complice avec Romain. Vient ensuite une pause toute politique. Eiffel donne en effet un moment de leur scène, pourtant si courte, à une bonne cause. Sandra et Sissoko nous parlent des sans papiers du dix-huitième arrondissement de Paris, le public adhère.
Et le groupe de reprendre sur un très à propos "Je m’obstine", avec de bien jolis chœurs, comme sur l’énorme "Sombre" qui clôture ce concert trop bref pour un groupe au répertoire si large, qu’on pourra apprécier le 15 octobre au Zénith. D’autant qu’ils prennent du temps sur scène, brodant sur leurs morceaux, en grands professionnels, en particulier sur ce dernier morceau, au final transcendantal, plein de larsen et d’âme. C’était en l'an 2010, on nous trouvait trop maniérés, on nous trouvait trop exaltés, la bande de petits cons. Mais non, Romain, pas la peine de changer tes paroles, c’était bien en 2001 ça, c’est fini maintenant. Tiens, la guitare de Nicolas finit sur la statue qui crève la scène de l’hôtel de ville, comme Eiffel.
Il est 22h. Quelle soirée, rock’n roll à souhait. Avant de continuer ailleurs, il ne me reste qu’à glaner quelques informations sur Coming soon, raté en début de journée. J’interroge un de mes espions : "ce sont de bons musiciens, mais bon ça décolle pas, c’était juste un apéritif, plat, trop gentil, pas adapté pour cette scène". Ok, ça c’est dit. Le groupe porterait donc bien son nom, il n’est pas encore arrivé.
Allez, à demain pour la soirée bretonne à Fnac Indétendances. |