Quelques semaines avant la sortie de son nouvel album, Patrice était en visite à sa maison de disques afin de régler les derniers détails de One.
L'interview a commencé avec quelques minutes de retard par rapport à l'horaire prévu parce qu'il écrivait les paroles, à la main, pour le livret du cd avant que celui-ci ne parte à l'impression. Son deuxième enfant venait de naître quelques jours auparavant, et il avait passé les dernières nuits dans une clinique parisienne pour veiller sur sa femme et le bébé.
Malgré les émotions et la fatigue Patrice arrive détendu, très souriant et très disponible. On commence à échanger en anglais, puis en français, puis en allemand avant de revenir au français, langue que Patrice maîtrise parfaitement. C'est d'ailleurs en français que Patrice a répondu à nos questions. Bien que l'album doive sortir dans les jours suivants, qu'il travaille sur sa nouvelle tournée, et que son bébé vienne de naître, c'est avec une très grande gentillesse qu'il trouve le temps pour nous accorder une interview et une session en cette fin d'après-midi d'été à Paris.
Tu expliques sur ton Myspace que tu as choisi le titre d'album "One" parce que toutes les choses, dans le monde, sont connectée entre elles. Cependant, ce titre évoque aussi l'individualisme et la compétition. Quelles sont donc tes ambitions pour ce nouvel album ?
Je voulais que ce disque englobe aussi bien mon histoire musicale que mon histoire privée. Je voulais qu'il reflète toutes les choses que j'aime. Il y a aussi une part d'individualisme, parce que je cherche à faire des choses que je n'ai pas faites auparavant, ou à faire des choses de manière différente. Mon ambition, dans la musique comme dans la vie, c'est d'avoir de nouveaux challenges. Je veux faire chaque album comme si c'était le premier. Je veux de la nouveauté, de la fraîcheur. Je ne veux pas que s'installe une routine. Je veux avoir des sensations nouvelles, comme un enfant qui découvre le monde. Sur cet album, il y a un orchestre, des cordes, c'est nouveau pour moi.
Cela signifie que tu n'as pas choisi ce titre d'album dans un esprit de compétition, tu ne cherches donc pas à être devant Lady Gaga dans les
charts ?
(Rire) Non. Tu sais, je suis déjà devant Lady Gaga. J'avais écrit la chanson "Africanize Dem", en 2005 sur l'album Nile. On retrouve des similitudes entre ma chanson et la mélodie de "Poker Face". Or je l'avais écrite avant que Lady Gaga ne sorte la sienne. Je suis donc, de fait, devant Lady Gaga.
En réalité, je ne me sens pas en compétition avec Lady Gaga qui fait de la musique destinée à l'entertainment. Elle le fait d'ailleurs bien. Mais nous ne sommes pas à classer dans la même catégorie ; une personne qui écouterait un disque de Lady Gaga et l'album One n'y chercherait pas la même chose.
Certaines chansons de cet album sont différentes des chansons que tu chantais à tes débuts, souvent accompagné de ta seule guitare acoustique. Comme tu l'as dit, travailler avec un orchestre est nouveau pour toi. Est-ce que cela change ta manière de composer, et plus généralement, ta manière de
travailler ?
Non, je compose la chanson puis l'intégration des cordes intervient plus tard dans le processus. J’écris en acoustique à la guitare, comme avant.
Ensuite une de mes amies, Izzy Dunn, qui jouait déjà du violoncelle sur Nile, a travaillé sur les arrangements de l'orchestre, c'est une étape en plus.
Justement, comment tes fans du début vont recevoir les chansons dont la production est plus riche. As-tu déjà des retours ?
Non, c'est une des premières interviews que je fais. Je n'ai pas encore eu de retours. Mais avec chaque album, j'ai surpris des gens et j'en ai déçu d'autres. C'est ma manière de faire de la musique. Mais j'espère qu'ils vont l'aimer, puisqu'à moi, il me plaît. (sourire)
Est-ce toi ou la maison de disque qui a choisi la reprise de Nina Simone, "Ain't Got No" comme single pour cet album ?
J'ai réalisé un album dans lequel toutes les chansons me plaisent. Je ne résonne pas en terme de single. La décision revient à la maison de disque. C'est leur travail. Pour moi, cet album est comme un best of des morceaux que j'ai écrits et enregistrés dernièrement.
J'ai repris cette chanson de Nina
Simone parce qu'il y a un message, qui ressemble à celui de ma chanson "Everyday good". On est là aujourd'hui, vivants. C'est un cadeau sacré, même lorsqu'on n'a pas la santé, même si on n'a pas les biens matériels qu'on souhaiterait. La vie est un cadeau. Le message est le même sur "Ain't got no". Je me retrouve là-dedans, les paroles de cette chanson me touchent. En plus, Nina Simone est ma chanteuse favorite.
Dans ta carrière, tu as montré que tu aimais travailler avec d'autres artistes. Dans tes rêves, avec qui aimerais-tu travailler ?
On m'a déjà posé cette question. Lorsque j'aime un artiste comme Bob Marley ou Fela, j'écoute ses chansons mais je ne m'imagine pas dedans. J'écoute et je me dis que c'est parfait. Lorsque je collabore avec un autre artiste, ça se passe naturellement. Ce n'est pas une collaboration forcée.
Généralement, c'est avec des amis que je travaille. En fait, mon rêve serait de pouvoir voir Marley ou Fela en concert. Je serais dans les premiers rangs pour les voir, mais je ne crois pas que je pourrais leur apporter quelque chose. J'ai quand même un rêve de collaboration : Si un jour Stevie Wonder était là et qu'il s’intéressait à une de mes chansons... (grand sourire)
D'après toi, comment va réagir l'auditeur à l'écoute de ton album ?
Je suis allé à fond dans les détails pour cet album, j'ai fait des changements jusqu'au dernier moment, j'ai retravaillé l'ordre des chansons, écrit les paroles pour la pochette... Actuellement je suis encore trop dedans, je n'arrive pas à me mettre à la place de l'auditeur. Je l'ai fait comme j'aimais, comme je le sentais.
Alors qu'est-ce qui a motivé ton choix dans l'ordre des chansons ?
J'ai fait comme dans un concert. J'aime les concerts qui racontent une histoire, au niveau de la musique, et aussi au niveau des paroles. J'ai essayé de relier entre elles les chansons dont les paroles pouvaient se répondre, et musicalement de trouver de l'harmonie. Je travaille aussi beaucoup sur les intonations. Lorsque je réalise un disque, il y a des choses dont je ne suis pas toujours conscient, je travaille au feeling. C'est aujourd'hui qu'on vit, il faut apprécier la vie chaque jour, alors je suis mon instinct.
Tu vas beaucoup tourner en France et en Allemagne. Comment se présente ta tournée ?
Je vais jouer les nouvelles chansons et des plus anciennes. Pour les grandes salles comme le Zénith, il y aura des cordes. Pour des endroits plus petits, on devra se contenter d'un quartet, voire de samples. Mais je vais vraiment essayer d'avoir un orchestre quand c'est possible. Le groupe qui va m'accompagner sur cette tournée, le Supowers, est composé d'excellents musiciens. Il y en a qui ont joué avec Cat Stevens. Je vais être accompagné par de très grands musiciens, et je suis content qu'ils aient du temps pour m'accompagner. Je vais essayer, comme à chaque fois, d’être meilleur que lors de la tournée précédente.
Je reviens au titre "One" de ton album. Penses-tu que ce soit un bien que tout soit aujourd'hui autant connecté ? Es-tu optimiste pour l'avenir ?
(sourire) Ah, la globalisation ! "On ne peut pas arrêter le progrès". Tout est maintenant relié. Il y a la communication, tu te rends très vite d'un point à l'autre du globe en prenant un avion. Mais je crois que ça peut être très positif. Il faut accompagner le mouvement, mais au niveau individuel, il faut continuer à avoir des principes et des idéaux. Au niveau global, il y a des gens vraiment pauvres et des pays vraiment pauvres. Je crois qu'on se dirige vers plus d'équilibre des richesses entre les pays. Pour un pays comme la France ou l'Allemagne, les standards de qualité de vie risquent de baisser. Mais il y a l'élément humain dans l'économie. Il y a des mouvements et des changements qu'on ne peut pas prévoir. Je suis optimiste et je reste persuadé que le monde va aller en s'arrangeant.
Retrouvez Patrice
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