Comédie de Molière, mise en scène de Bruno Bayen, avec Thierry Hancisse, Isabelle Gardien, Jean-Baptiste Malartre, Bruno Raffaelli, Clotilde de Bayser, Pierre Louis-Calixte, Adrien Gamba-Gontard, Georgia Scalliet, Hélène Surgère, Boutaïna El-Fekkak et Juliette Bayen.
La Comédie-Française présente de nouveau ce chef d’œuvre, dans une mise en scène du romancier Bruno Bayen.
Chacun connait cette satire de la pédanterie et du désordre éthéré. D’un côté, d’insupportables bas-bleus (Philaminte, maîtresse de maison et surtout maîtresse de raison, Armande son aînée et Bélise sa belle-sœur), de l’autre, des amants éblouis, Clitandre et Henriette la douce cadette, et au milieu un balourd de bonhomme, craintif devant sa Philaminte de femme, indécis, veule. Un gourou habile, Trissotin, tire évidemment tout le profit à prendre de cette pétaudière.
Les Comédiens français incarnent avec passion les figures de cette tragi-comédie familiale.
Thierry Hancisse, au sommet de la distribution - une habitude - s’empare de l’époux indécis - Chrysale - en lui donnant l’épaisseur d’un Falstaff impuissant, grand caquet et geste mou, étonnant de force percée et abattue, créant un type de mari dangereux de faiblesse et de duplicité. Sa femme, la belle Clotilde de Bayser, loin des Philaminte vociférantes auxquelles nous sommes habitués, parle avec douceur, sourire, exerce sa force en envoutant et en anesthésiant. L’aînée, Armande, est incarné brillamment par Boutaïna El-Fekkak. Hystérique Bélise, la drolatique Isabelle Gardien donne tout son esprit à cette drôlesse émouvante d’aveuglement, qui se croit pourchassée d’amour quand elle est fuie par tous. Pierre Louis-Calixte interprète un Trissotin de bonne facture, assez conforme à l’idée que l’on s’en fait, costume à part.
Flanqué de la merveilleuse Hélène Surgère, la servante sensée des comédies, le brave homme - Molière lui-même, bien sûr - a ici les traits d’Ariste alias Bruno Raffaelli, qui joue avec justesse et une diction digne des lieux. Henriette, quant à elle, a été transformée en bobo à voix saccadée, qui vomit sur scène - quelle audace, chaque film des années 2000 a sa petite séquence haut-le-cœur ! - et la pauvre Georgia Scalliet rend ce qu’elle peut, d’un timbre pas toujours audible. Quant à Clitandre, qui se prend trois fois les pieds dans le tapis, afin qu’un public distrait se rende bien compte de l’intention, Adrien Gamba-Gontard doit se plier à n’en faire qu’un ballot, un épais garçon de campagne qui attire peu les soupirs. Dommage que ce couple d’amoureux sain et aimant soit à ce point défiguré.
La mise en scène de Bruno Bayen, soutenue par le joli décor de Michel Millecamps, les costumes réussis de Rénata Siqueira-Buéno et les lumières inventives de Philippe Ulysse, offre les avantages et les inconvénients de l’ambition et du contre-pied. Ne voulant pas stigmatiser ces féministes d’avant l’heure, elle ridiculise le mariage, fait des hommes des alcooliques et des gloutons, tord un peu Molière, qui résiste plutôt bien. Mais l’ensemble tient, grâce à cette troupe d’excellence, qui exhale l’énergie et la ferveur.
A découvrir donc, pour l’inventivité, les réussites et les faiblesses, l’éclairage d’un texte immortel et sous l’armure du génie.