Comédie dramatique de Vahe Katcha, mise en scène de Julien Sibre, avec Cyril Aubin, Olivier Bouana, Pascal Casanova, Stéphanie Hédin, Pierrejean Pagès, Jérémy Prévost ou Alexis Victor, Julien Sibre et Caroline Victoria Hédin, Pierrejean Pagès, Jérémy Prevost, Julien Sibre et Caroline Victoria.
Un appartement bourgeois de banlieue en 1942 où on s’apprête à festoyer pour l’anniversaire de la maîtresse de maison, Sophie, l’épouse du libraire. Les invités arrivent l’un après l’autre. La soirée commence, mais l’assassinat de deux officiers allemands en bas de l’immeuble va faire intervenir un nouveau personnage : un commandant SS, qui va exiger du groupe d’amis la désignation de deux d’entre eux comme otages, pour venger l’attentat qui vient d’avoir lieu. Le commandant, par ailleurs amateur de littérature ancienne, attendra dans la bibliothèque, laissant les convives au "repas des fauves".
Alors que l’on découvre le salon, de brèves images d’archives projetées en fond de scène illustrent le contexte. C’est court mais suffisant pour rentrer tout de suite dans l’histoire. Ce même écran servira à ponctuer la pièce d’une petite merveille de film d’animation dont les séquences illustreront les événements hors-cadre (le meurtre des allemands, les perquisitions dans les appartements, les bombardements …).
La pièce de Vahé Katcha montre comment une situation critique peut révéler les individus au plus profond. Ici, les soi-disant "amis" tenteront les plus basses manœuvres pour s’en sortir, les compromis qu’ils seront prêts à faire paraissant ahurissant du dehors.
Malgré l’enjeu dramatique, on rit donc beaucoup de la lâcheté de certains et des idées tordues pour se sauver (provoquer un incendie, appeler un colonel de connaissance…) mais on est également horrifié de ce qu’ils vont jusqu’à imaginer, avec quelquefois la plus parfaite mauvaise foi. La soirée fera voler en éclat leur amitié, éprouvera leur sens patriotique et les obligera à prendre partie.
Le spectateur est lui aussi invité à la réflexion et tout au long de la pièce, est interpellé par tel ou tel comportement auquel il s’identifie ou non. Impossible de ne pas penser à une certaine actualité récente quant on voit comment, au début de la pièce, certains d’entre eux s’accommodent plutôt bien de la situation et ne sentent pas concernés par les rafles et les déportations. Leurs contradictions vont, au fil des minutes, apparaître et la tension monter.
Julien Sibre signe ici une adaptation très réussie, avec des répliques savoureuses et un rythme soutenu. La pièce au timing parfait et au déroulement palpitant nous tient en haleine jusqu’au dénouement final (qu’il serait bien sûr criminel de trahir) et ménage entre-temps de délectables moments. Elle est effrayante dans le sens où elle dénonce une infinie noirceur de l’homme, son égoïsme et sa lâcheté. Mais c’est heureusement aussi pour mieux rendre hommage à son courage, parfois et à son dévouement.
Bien sûr on peut remarquer Julien Sibre dans un personnage de dandy qu’il interprète avec la finesse d’un Louis Jouvet ou d’un Pierre Brasseur, ou encore Pierrejxean Pagès dans le rôle de l’officier allemand féru de littérature grecque et imprévisible, mais par leur interprétation sans faille, tous les comédiens portent à égalité ce spectacle qui nous procure le bonheur d’une œuvre totalement
réussie.
"Le repas des fauves" est une excellente comédie noire et superbement révélatrice de l’âme humaine. Une très grande pièce. On n’est pas prêt d’oublier cette soirée "entre amis" qui est un remarquable moment de théâtre à la fois divertissant et intelligent. |