Comédie dramatique de florian Zeller, mise en scène de avec Marcial Di Fonzo Bo, avec Catherine Hiegel, Jean-Yves Chatelais, Clément Sibony et Olivia Bonamy.
Le jeune auteur qui agace et séduit vient encore de frapper, après "L’Autre" et "Si tu mourais", avec cette nouvelle pièce de rentrée.
Dans un décor néo-néo-dépressif, une femme "entre deux âges" siffle contre son mari qu’elle soupçonne d’infidélité. La bouteille de bourbon et les cachets ne sont pas loin. Le monsieur en costume, las, très las, et lâche, très lâche, contemple cette femme qu’il a aimée, dans sa tenue d’abandon de toute recherche : le jean intégral, pyjama urbain. Par quoi tient-elle encore à la vie ? Par Nicolas, le fils, dont elle tente bien de gâcher la vie, mais qui résiste à cet amour-boa en ne répondant plus à ses appels comminatoires. Et s’il réapparaissait une nuit, déçu par ces amourettes sordides qui ne peuvent rivaliser avec le Senti-maman ?
La mère, c’est Catherine Hiegel, "La Hiegel", la doyenne renversée du Français, qui revient au théâtre comme un raz-de-marée, hallucinante de folie et de désespoir, signant là une de ses plus belles interprétations. Monstrueuse par désœuvrement, guettant l’éclat d’un mari qui trouve ailleurs consolation de cette vie conjugale-ci et ne montrera plus jamais d’intérêt pour cette femme, cette emmurée hurle son amour et sa solitude, face à des gens normaux, calculateurs, humains, dépassés. Piégée la mère, et avec encore tant à offrir…Et à imposer.
Le père, c’est Jean-Yves Chatelais, qui donne la réplique au cyclone, comme derrière une vitre, épaisseur du temps, pour ne pas être frappé, griffé, déchiqueté. Le fils, Clément Sibony, incarne ce garçon charmant et lointain qui brûle le cœur de la mère et, un peu facile, se laisse aimer puisqu’il est aimable. La belle Olivia Bonamy joue la rivale, la jeunesse, l’avenir et le droit d’aimer.
Par le jeu de scènes qui se répètent, comme des options à cocher, Florian Zeller rentre dans le mental ébranlé de cette mère malheureuse qui tombe lentement de la falaise, observée du haut et d’en bas, mais seule à mort, dans sa chute. Si la langue parait quotidienne, aucun effet de mode, de langage, de scie du moment ou de vulgarité ne l’altère.
La mise en scène de Marcia di Fonzio Bo révèle une vraie inventivité, même si avec la laideur - voulue et suggestive - du décor, on se passerait bien de cette éternelle musique branchouille-jazzy-new-yorkaise qui suinte le lounge écaillé de l’ex mono-culture.
La mère , superbe règlement de compte avec cette génération qui a brisé toute pudeur pour sa jouissance sans entraves, et qui pèse si lourd sur cette jeunesse qu’elle trouve "décevante" car rétive, s’impose comme une création originale, forte, à contre-courant, jouissive, non mortifère, sombre mais seulement comme des nuages face au soleil.
Preuve nouvelle qu’il y a une vraie relève théâtrale.