Réalisé
par Mariana Oteroo. France. Documentaire.
Durée : 1h28. (Sortie 6 octobre 2010).
En ces temps où le documentaire est en train de damer le pion à la fiction, on a pris l’habitude qu’il prenne souvent une forme hybride dans laquelle l’auto-fiction se mêle au traitement du sujet, voir s’y substitue, dans laquelle la vérité du document est contredite par l’égotisme du commentaire.
On sera donc un instant étonné que Mariana Otero fasse oeuvre en filmant simplement ce qu’elle a décidé de filmer : l’histoire d’une entreprise en faillite que ses employés essaient de sauver en tentant d’adopter le statut de SCOP (Sociétés Coopératives et Participatives). Petit à petit, plan par plan, son sujet prend forme et elle ne se permet pas d’outrepasser son rôle de témoin à la caméra.
Évidemment, on sent que les ouvrières, prises dans le tourbillon de l’histoire de leurs vies, ne surjouent pas devant l’objectif de Mariana Otero, n’adoptent pas un ton travaillé sur le modèle d’un certain cinéma-vérité, qui s’arrange souvent avec ce cinéma et avec cette vérité, et qu’elles ont confiance dans la présence feutrée de la caméra de Mariana Otero.
Mais la réalisatrice ne fait pas juste des images, elle fait surtout des images justes. Avec précision, sans didactisme aucun, elle explique la situation de ces gens en train de perdre leurs emplois et tentant de les sauver en empruntant le chemin presque utopique, du moins escarpé, de la SCOP.
Pas de lyrisme, pas de pathos, rien que la description d’une situation dans laquelle les employées de la lingerie Belamy se révèlentà elles-mêmes une capacité concrète insoupçonnée, celle de repousser, au moins pour le temps d’un espoir en pointillé, l’impuissance et le découragement devant un sort réglé d’avance.
Et pas besoin non plus de passer par les figures chrétiennes de la grâce et de la transcendance. Ces braves dames ne sont pas des héroïnes, même si on qualifiait leur héroïsme d’ordinaire. De simples sujets passifs, les voilà désormais actrices de leur destin. Et quand celui-ci, est malheureusement scellé, elles deviennent, au final,
actrices tout court.
Mariana Otero donne alors toute la force de son documentaire tout simple, en trouvant une fin si belle et si inattendue qu’elle atteint paradoxalement l’évidence cinématographique. |