Monologue dramatique d'après le roman éponyme de Bohumil Hrabal, mise en scène de Laurent Fréchuret, avec Thierry Gibault.
Laurent Fréchuret a placé l'ouverture de la saison 2010-2011 du Théâtre de Sartrouville, dont il est le directeur, sous le signe de "l'enthousiasme et de la résistance joyeuse" en présentant, sous le titre "Le diptyque du rat" deux pièces courtes articulées autour de la symbolique du rat.
Et deux auteurs nés aux antipodes l'un de l'autre dans des pays qui ont connu la dictature : l'argentin Copi avec "La pyramide" et le tchèque Bohumil Hrabal avec "Une trop bruyante solitude", un monologue tragi-comique conçu à partir son roman éponyme.
Sur la grande scène plongée dans le noir, un visage apparaît dans un halo lumineux. Un homme, nez pointu et petits yeux vifs, étonnant mimétisme avec le rongeur, émerge du cloaque dans lequel il travaille depuis des lustres à actionner une presse mécanique pour préparer au recyclage les vieux papiers et surtout les livres interdits voués à un autodafé pilonneur.
Avec les années, il s'est habitué à cette cave putride qui est devenue "sa" cave et que la fréquentation des artistes maudits a transformé en caverne d'Ali Baba, en véritable coffre aux trésors. Car les pieds dans la fange et la tête dans les étoiles, comme un rat qui grignote le papier, il lit les livres précieux. Quelle que soit la barbarie qui règne au dehors et le condamne à une condition misérable, il a bâti un ilot de résistance souterraine et modestement, volume après volume, il les emporte chez lui, un gourbi transformé en mémorial de la condition humaine.
Sous la direction invisible de Laurent Fréchuret, qui signe une adaptation théâtrale particulièrement réussie, habillé des lumières en clair-obscur très travaillées de Eric Rossi, l'officiant, Thierry Gibault, fort d'une technique imparable, porte magnifiquement le texte fort, puissant, sombre et lumineux de Bohumil Hrabal dont la plume est trempée dans cette encre de l'ironie désespérée, caractéristique de la Mitteleuropa.
Un texte dont il a mâché chaque mot pour en restituer la bouleversante moelle intime. Et il donne corps et voix à cet humble et anonyme, ce juste qui traverse les siècles pour que demeure le meilleur de l'homme. Ici, Hanta est son nom. |