Jeanne Cherhal a repointé au printemps dernier le son de sa voix et le bout de son nez. Je vous entends déjà vous demander s'il y a de quoi en parler 6 mois après. Eh oui, car ce disque malgré ses maladresses révèle quelques bonnes surprises.
Avec cette nouvelle galette, l'heure est au changement pour la demoiselle. Changement de maison de disque (au revoir Tôt ou Tard, bonjour Barclay), de processus de création... Quatre ans après L'eau, Charade confirme l'ouverture pop et s'écarte davantage du format traditionnel de la sacro-sainte chanson française. Une mise en danger à même de rompre la routine artistique ?
Sa collaboration à la Superbe de Biolay (magnifique "Brandt Rhapsodie") a contribué également à ce virage, non pas à 180° mais à 90°. Jeanne Cherhal emprunte l'itinéraire bis, plus aventureux que les routes balisées de la musique pour s'offrir une échappée plus ambitieuse. Il est loin le temps des couettes et de la jeune fille sage chantant à demi-mot ce qu'elle pensait. Les textes sont plus directs, le ton se désinhibe à l'image de sa génitrice.
Enregistré entre Paris et Madrid avec la complicité du réalisateur et ingénieur du son Yann Arnaud (Air, Syd Matters...), Charade s'inscrit dans une démarche à la "Do it yourself", Cherhal se chargeant de jouer seule l'ensemble des instruments : piano bien entendu mais aussi batterie, guitare, basse.
Charade est en quelque sorte le complément du féminin L'eau prenant comme sujet principal l'homme. Ici point d'idéalisation ou de quête désespérée du prince charmant. Charade évoque avec vérités les sous-entendus et non-dits de l'amitié homme-femme ("En toute amitié"), la masculinité animale ("Certains animaux"), les "deuils" amoureux ("Hommes perdus"), le mariage ("Lorsque tu m'as").
Paradoxalement c'est une chanson co-écrite avec Biolay qui rappelle le plus ses débuts. On passera rapidement ces réminiscences pour retenir le quarté gagnant : l'adaptation française plutôt réussie de "My Body is a cage" d'Arcade Fire, le truculent "En toute amitié", l'impeccable "Certains animaux sont lâches" et le nostalgique "Cinq ou six années".
Accompagnée sur scène de la déridée Secte Machine (ex Little Rabbits), la Nantaise se rapproche de la bonne formule. Avec Charade, elle propose non pas une révolution mais une évolution de bon ton. |