Réalisé
par Raul Ruiz. Portugal. Drame.
Durée : 4h26. (Sortie 20 octobre 2010). Avec Clotilde Hesme, Adriano Luz, Maria Joao Bastos, Ricardo Pereira, Léa Seydoux, Melvin Poupaud et Malik Zidi.
Le coup d’État de Pinochet de 1973 aura eu une seule conséquence positive : le cinéaste chilien Raul Ruiz aura traversé l’Atlantique pour se mettre au service de la fiction française. Depuis presque quarante ans, il aura déployé sa science du récit baroque pour adapter Stevenson, Proust, Klossowski, Giono ou Balzac.
À soixante-dix ans et au moins quarante films, le voilà aujourd’hui au service du feuilletonniste portuguais Camilio Castelo Branco.
Les amateurs de récits-gigogne, de récits dans le récit, de chausse-trapes et de fausses pistes seront ravis devant ces 250 minutes éblouissantes qui leur rappeleront à la fois d’autres mystères, ceux de Paris ou de Londres par exemple, et les feront se perdre dans un monde mêlant tout à la fois le mélo au fantastique et le baroque à l’aventure, pour les conduire pas très loin de l’univers du fameux ‘"Manuscrit trouvé à Saragosse" du comte Potocki.
Pas besoin de tout comprendre ou de tout retenir, car ici on retombe toujours sur ses pattes pour que l’invraisemblable arrive et que l’inattendu devienne une évidence.
Mais Ruiz ne se contente pas d’illustrer le romancier Castelo Branco, il rappelle à ceux qui l’auraient oublié qu’il est un grand formaliste.Il n’y pas que son récit qui soit mystérieux, il y a aussi sa manière unique de filmer, de fournir à chaque instant des images d’une beauté singulière qui portent en elles bien des mystères.
Devant cet objet filmique unique que Ruiz lui propose, libre au spectateur de se laisser guider, d’accepter le jeu ou bien de rester hermétique au nom de la logique cinématographique commune.
Rentrer bille en tête dans ses "Mystères", c’est aussi garder un peu de foi dans le cinéma et croire avec Raul Ruiz qu’on peut encore après tant d’années; tant de fictions, tant d’images faire vivre à ses yeux et à son esprit une expérience jouissive et dépaysante.
Et, ultime bonne nouvelle pour ceux qui auront pris un malin plaisir en compagnie de Raul Ruiz, ils pourront un soir prochain, sans doute sur Arte, voir la version télé des "Mystères de Lisbonne". Leurs quatre heures et demie de bonheur cinématographique deviendront alors six fois une heure de bonheur télévisuel.
De quoi réconcilier les cinéphiles et leur tube cathodique !
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