Yann le Pichon, historien d'art et légataire universel du peintre le Douanier Rousseau, milite non seulement pour le rayonnement de l'oeuvre du peintre mais également pour intégrer l'intégralité de sa méconnue production littéraire.

Car, en effet, fort d'une conception d'artiste complet au sens pluridisciplinaire du terme, le Douanier Rousseau taquinait la plume, entre autres, dans le registre de la poésie et de l'écriture dramatique et a inscrit à son actif trois opus théâtraux qui ne sont pas (encore ?) passés à la postérité.

En attendant de voir exaucé son voeu le plus cher, la conservation des manuscrits à la Bibliothèque Nationale de France, Yann le Pichon procède à la publication, sous le titre "Les Ecrits du Douanier Rousseau", de leur texte intégral pour les proposer à la sagacité du lecteur.

Ces textes sont précédés d'une éloge du peintre qui, selon lui, a appris à ses contemporains mais aussi à ses homologues peintres "à traduire, tout simplement, le merveilleux de cet art de l'enfance non pas retrouvé mais demeuré tel qu'en nous-mêmes, une envie d'éternité le maintient", de la retranscription commentée des légendes poétiques que le peintre avait écrit pour plusieurs de ses toiles ainsi que de la préface qu'avait rédigé édigée par Tristan Tzara, une des figures de proue du mouvement Dada, lorsqu'il avait procédé en 1947 à leur première publication.

Ces pièces, dont le titre ne ménage pas le suspense et à l'intrigue convenue, deux comédie-vaudevilles et un mélodrame, ressortissent à la grosse production théâtrale de la Belle Epoque, époque où le théâtre constituait le loisir privilégié des parisiens et regorgeait de théâtres populaires.

Dans sa préface, Tristan Tzara loue l'auteur de "Une visite à l'exposition de 1889" qui "dans l'exposé de ses sentiments, enveloppe d'une fraîcheur nouvelle les formules toutes faites qu'il emploie et les locutions en vogue parmi les écrivains populaires de son temps" et l'originalité truculente et les effets de surprise de "L'étudiant en goguette", sous-titré "Le nichon rose" et surtout "son envoi final carnavalesque".

Et il analyse l'intrigue manichéenne de "La vengeance d'une orpheline russe", reposant sur "une conception angélique de la vertu et du satanisme", et s'extasie devant les perspectives grandioses des décors et une technique qui anticipe du cinéma.

Alors qu'en penser ? Et bien, toujours comme l'écrit Tristan Tzara, passionné mais lucide : "Sans lui attribuer une valeur littéraire autre que celle qui à peine dépasse les efforts d'une catégorie d'hommes en vue d'exprimer leur volonté de se faire entendre, la publication de ces deux documents ne vise qu'à éclairer la personnalité puissamment définie du Douanier Rousseau dans ses rapports avec l'univers qu'il s'était créé".