A l'occasion du centenaire de la mort du Douanier Rousseau, Yann le Pichon procède à la réédition enrichie de son ouvrage "Le monde du Douanier Rousseau" qui
ouvre les portes du monde de la peinture visionnaire de celui qui était surnommé "le Naïf".
Rédigé dans un style conversationnel plaisant à lire, ce qui n'exclut pas l'érudition, ce beau livre abondamment illustré, à insérer dans la section Beaux Arts de la bibliothèque de tout amateur d'art, est écrit par un historien d'art, de surcroît légataire universel du peintre,
manifestement subjugué par son sujet dont il propose une approche sensible.
Afin de nourrir une analyse tant biographique qu'iconographique, il a opté pour une présentation thématique des oeuvres
de celui qu'il associe avec Cézanne et Gauguin pour constituer la sainte trinité picturale qui a engendré le cubisme.
Cette présentation, pour formelle qu'elle soit est cependant judicieuse car révélatrice d'un peintre complet qui a exploré tous les genres de la peinture classique, du portrait à la nature morte en passant même par la peinture d'histoire, la marine et la peinture allégorique, qu'il revisite à la lumière de sa vision du monde et
en pratiquant selon Yann le Pichon "les trois règles d'or qui sont instinctivement celles des enfants et des primitifs : intérioriser en immobilisant, anoblir en stylisant, amplifier en simplifiant".
Par ailleurs, elle est enrichie par une approche concomitante de la vie du peintre, l'oeuvre illustrant sa vie et, inversement, sa vie imprégnant son oeuvre, et par la confrontation de ses tableaux à de nombreux documents iconographiques qui les éclairent, voire les ont directement inspirés, des cartes postales de l'époque aux peintures de peintres qui l'ont influencé en passant par le fameux album des bêtes sauvages des Galeries Lafayette qui alimente le bestiaire du "Tartarin de Tarascon de la peinture exotique".
Ainsi, par exemple,
les toiles de ses dames dans une forêt exotique résultent de la transposition fantaisiste d'une illustration du Petit Journal qui représentait la serre aux camélias du jardin d'Acclimatation, le tigre des dessins de Delacroix est le héros de sa toile "Surpris !" qui est le premier grand tableau exotique exposé au Salon des Indépendants de 1891.
Yann le Pichon dévoile également les rébus de ses portraits-paysages tout en analysant sa technique picturale.
Un ouvrage complet donc pour décrypter l'oeuvre d'un homme à propos duquel un admirateur célèbre, Tristan Tzara, fondateur du mouvement Dada, écrivait : "sa mystérieuse et triomphante faculté d'interpréter édéniquement le monde est réservée à ceux pour qui l'enfance a grandi sans abandonner sa pureté primordiale". |