Spectacle écrit par Julie Bérès, Elsa Dourdet, Nicolas Richard et David Wahl, mis en scène par Julie Bérès, avec Virginie Frémaux, Éric Laguigné, Mike Hayford et Agnès Joessel.
Le titre du spectacle de Julie Bérès, "Notre besoin de consolation", est tiré du court essai de Stig Dagerman. Dans ce texte, Dagerman écrit "Pour moi, ce n'est pas le devoir avant tout mais la vie avant tout".
Dans ce spectacle - on peut difficilement parler de pièce de théâtre -, Julie Bérès met en scène les différents progrès actuels de la science qui visent à vaincre la mort (cryogénisation, clonage, biogénétique...) et montre que cette obsession de prolongation de la vie remonte aux origines de l'Histoire.
Simplement, aujourd'hui les progrès de la médecine sont tels que ce qui jadis relevait de la science-fiction tend à devenir de l'anticipation. Ceci doit donc amener l'espèce humaine à se poser des questions d'ordre éthique, et les groupes humains à légiférer sur le sujet.
A travers sa mise en scène et l'atmosphère qui se dégage des différents tableaux, Julie Bérès exprime le malaise qu'elle peut ressentir face à cette évolution contre nature de la science, et les questions sociétales qui en découlent (science accessible uniquement à une élite financière, eugénisme, négation de la notion d'égalité entre les hommes...).
L'utilisation de treuils sous une scène tendue de matières déformables (plastiques, tissus, latex...), un décor conçu par un scénographe, Mathias Baudry, et une plasticienne, Juliette Barbier, donne l'impression d'un plateau mou, organique. Les projections de lumière sur le plateau, de Hugo Oudin, accentuent pour le spectateur la perte de notion de perspective par rapport à une scène de théâtre généralement solide, dure et figée.
Elle peut faire disparaître ses personnages à travers le sol symbolisant la mise en terre, ou grâce à des éclairages par en-dessous de ce second plateau tendu comme une peau, Julie Bérès peut créer l'illusion d'un homme allongé dans un cercueil de glace.
Des marionnettistes, qui utilisent des techniques proches des spectacles de lanterne magique, contribuent à donner une impression entre rêve et cauchemar aux propos tenus, par le biais de projections vidéo, par les véritables protagonistes de cette aventure de la vie (une mère-porteuse, le directeur suédois d'une banque de sperme qui propose un choix sur catalogue des "meilleurs" spécimens).
Ce spectacle, interprété par deux comédiens (Agnès Joessel et Eric Laguiné), une circassienne (Virginie Frémaux) et un danseur (Mike Hayford), est d'abord une claque visuelle. Esthétiquement novateur, délirant, ce spectacle qui entremêle les techniques et les styles de jeu (théâtre, marionnettes, mime, chorégraphie, chant...) se rapproche beaucoup plus de la recherche visuelle rencontrée dans certains spectacles de danse contemporaine.
Le propos, entre documentaire et interrogation citoyenne, s'adresse au spectateur afin de lui ouvrir les yeux sur certaines pratiques, le spectacle mis en scène l'invite à se forger sa propre opinion.
En choisissant ce titre, Julie Bérès donne déjà une indication sur son propre point de vue. Son spectacle retrouve le côté hypnotique du texte de Stig Dagerman. Mais dans son essai, Stig Dagerman cherche une consolation à la douleur de vivre, peine à continuer son existence dans un monde écrasant et cruel, dans une société où n'existe plus de liberté. Il se suicidera d'ailleurs à l'âge de trente-et-un ans, deux ans après avoir écrit cet essai.
Julie Bérès, dans ce spectacle, montre un monde dans lequel des hommes, en cherchant à s'affranchir de la mort, entraînent la société à sa perte plutôt que vers la lumière et l'espoir. |