Réalisé
par Gustavo Cova. Argentine-Mexique. Film d'animation.
Durée : 1h23. (Sortie 17 novembre 2010).
Prévenir les spectateurs que "Boogie" est un dessin animé strictement réservé aux adultes paraît un avertissement bien trop léger. Gustavo Cova, en adaptant une bande dessinée de Roberto Fontanarrosa datant des années 1980, invente en effet l’ultra dessin animé pour ultra adultes.
Montre en main, il faudra attendre une bonne heure pour avoir une poignée de secondes de répit dans cette boucherie sanguinolente orchestrée par un héros sans foi ni loi, tellement cynique qu’on lui sait gré de ne pas avoir le cynisme d’une minute de fausse compassion pour qu’on s’illusionne sur la goutte de tendresse qui, par hasard, coulerait encore dans ses veines d’assassin.
Boogie endosse l’habit d’un privé classique dérivé de Bogie-Bogart, mais, en fait c’est un transfuge de toutes les sales guerres déclenchées par les États-Unis depuis le Vietnam jusqu’à l’Irak et l’Afghanistan. Comme Rambo, il vide ses chargeurs de mitraillettes sans jamais se donner la peine de les remplacer. Il a la nostalgie de l’odeur du Napalm et des hélicoptères voletant sous le soleil d’Apocalypse Now et aime le Magnum qui arrache les têtes comme l’Inspecteur Harry.
On aura vite compris que les initiateurs de ce monument trash ne portent pas dans leurs coeurs sud-américains les turpitudes de leurs "frères" du Nord de l’Amérique et ne voient pas dans les États-Unis la patrie de la démocratie mais celle de la violence absolue et de l’argent-roi. Pour s’en convaincre, il suffira de voir ce qu’il advient d’un Palais de Justice étasunien après le passage de Boogie.
Autre coup de canif à l’imaginaire américain : un personnage de "super-héros" à la Spiderman pire que Boogie et que celui-ci surachèvera à grands coups de bâton haineux. On n’est pas très loin de l’ambiance surdopé des films de John Woo revus par Tony Scott ou par Quentin Tarantino.
Allant toujours trop loin, mais sans jamais passer par la case mauvais goût, "Boogie" est au final un divertissement très sain dans son utilisation rock’n’roll de l’hyperviolence sous-jacente à tous les films actuels.
Boogie n’est pas une apologie de cette violence gratuite et acceptée qui règne sans partage dans le cinéma, notamment dans le cinéma majoritaire américain. Il feint d’en être la quintessence pour tenter d’en être l’impossible exorcisme et, cerise surprise sur le gâteau ensanglanté, n’est pas loin de réussir son pari transgressif.
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