Du folk soyeux, un groupe généreux, un public recueilli et comblé, compte-rendu du passage magique de la belle Californienne en terres Toulousaines.
Il fallait de la volonté et une bonne dose de ferveur pour retourner assister à un concert d’Emily Jane White. En effet, son dernier passage à Toulouse n’avait pas laissé que de bons souvenirs ; c’était en 2009, à l’époque de la longue tournée de Dark Undercoat que l’Américaine était venue s’échouer dans une minuscule salle improbable (le "Samba Resille", plus connue pour ses cours de Batucada que pour ses prestations scéniques). Manifestement déboussolée par le local exigu et malgré l’accueil chaleureux qui lui avait été réservé, elle avait livré une prestation très contenue, un peu hautaine, qui en avait décontenancé plus d’un. Seul le rappel final au piano avait un peu ravivé les espoirs ressentis à l’écoute de l’album.
C’est donc dans un nouveau contexte et surtout un nouveau lieu ("La Dynamo", beau loft aménagé en plein centre de la ville, d’une capacité de 200 personnes et à la programmation de qualité) qu’Emily retentait sa chance, à l’occasion de la sortie de son dernier opus (le magnifique et bien nommé Ode to Sentience).
La salle est parfaite : murs de briques rouges parsemés de tableaux, rochelle agrémentée de fauteuils confortables, bars accueillants, acoustique soignée… Bref, on se sent comme à la maison. Le public se presse en masse malgré une publicité très discrète. Tous les âges sont représentés et l’atmosphère est recueillie (aidée en cela par une bienveillante statue polychrome de la vierge qui surplombe la foule !).
Le groupe se fait attendre mais finit par débarquer en toute simplicité sous la forme d’un quatuor : chant (+ guitare folk / piano), guitare électrique, basse (en la présence du talentueux Julien Pras du groupe Bordelais Calc), batterie. Pas de violoncelle ni de violon ce coup-ci mais les premiers titres vont vite dissiper les inquiétudes : le son est parfait et la voix est encore plus profonde que sur disque. Des frissons parcourent l’assemblée et, chose rare pour ce type de concert quasi-acoustique, la grande majorité du public est attentif et respectueux.
Les deux premiers titres ("A Shot Rang Out" et "Bessie Smith") tirés des deux premiers albums constituent une belle entrée en matière, mais c’est réellement sur l’enchaînement "Black Silk" et "The Cliff" que le concert décolle pour atteindre des sommets.
Les musiciens sont à l’écoute de la chanteuse et étoffent les morceaux de petites touches discrètes, se retirant sur certains titres, revenant pour d’autres. Le tout est harmonieux (à part peut-être une batterie parfois un peu à côté). La concentration et l’application dont ils font preuve me font irrésistiblement penser au concert des Broken Bells à Benicassim (Julien Pras qui fait les chœurs a d’ailleurs aussi un petit côté James Mercer !). Emily est aux anges, n’est pas avare de sourires et communique dans un très bon français (souvenir de ses études Bordelaises). La Californienne ayant dénoncé la ville d’origine de son bassiste, celui-ci se fait chambrer gentiment (la traditionnelle rivalité des berges de la Garonne…) mais tout ça reste bon enfant.
La setlist est homogène et pioche allègrement dans les trois albums, ce qui donne l’occasion de constater s’il en était besoin qu’ils contiennent un sacré nombre de pépites. Certains titres interprétés en solo manquent certes un peu d’entrain et on frôle parfois l’assoupissement en cette fin de semaine ; mais il suffit alors d’un "Wild Tigers" ou d’un "The Preacher" pour relancer la machine et on se prend à rêver d’une interprétation plus étoffée ou de variations plus musclées qui pourraient faire merveille en live.
Ne boudons pas notre plaisir : le concert s’interrompt sur le doux "Victorian America", avant que le groupe ne fasse un traditionnel pseudo-repli en coulisses (qui passe ici par l’escalade d’un périlleux escalier en colimaçon) avant de revenir pour quelques titres bien sentis ("Dagger", "Hole in the Middle", "Country Life").
Après 1h30 d’un concert généreux, la soirée s’achève par des dédicaces interminables où le groupe fait montre d’une disponibilité et d’une gentillesse rares ! Emily Jane White et sa bande auront donc rassuré son monde avec une belle prestation, effaçant (largement) l’ardoise laissée lors de son passage précédent. |