Comédie dramatique de Lee Hall, mise en scène de Marion Bierry, avec Bernard Ballet, Robert Bouvier, Thomas Cousseau, Carine Martin, Jacques Michel, Odile Roire, Eric Verdin et Arthur Vial.
Tiré d’une histoire vraie : la découverte de la peinture et de l’art dans les années 30 par un groupe de mineurs en Angleterre, "Les Peintres au charbon" nous fait remonter, sous le ton de la comédie, plus de dix années (de 1934 à la guerre) pendant lesquelles on voit l’évolution de ces hommes, leur rencontre avec l’art et un mode d’expression.
"Billy Elliot" s’élevait grâce à la danse, "Face de cuillère" grâce à la musique, ici c’est la peinture qui permet à un groupe de mineurs de comprendre le monde et de progresser. En ce sens, la pièce de Lee Hall est un magnifique hommage rendu à l’art en général et à ce qu’il peut apporter à la vie des hommes. On y parle de création artistique, du sens de celle-ci et des moyens de rentrer dans une œuvre.
Tout ça relaté sous forme de comédie chorale à l’anglaise où le personnage principal est le groupe. Lee Hall donne de ces mineurs une image juste car complète : ils sont tour à tour naïfs, querelleurs, complexés, moqueurs, révoltés, rêveurs, émerveillés puis deviennent amateurs d’art et enfin de vrais artistes eux-mêmes. Ils sont chacun entier avec leurs défauts et leurs qualités, donc infiniment humains.
Le plus émouvant est qu’à travers toute cette évolution, demeure intacte avant tout, leur grande solidarité. Pour exemple, le choix que fera le personnage d’Oliver, tiraillé entre le désir de vivre sa passion et la peur de trahir ses amis (peut-être même sa condition…). Robert Bouvier en fait une composition particulièrement bouleversante. Son travail est magistral.
Comme l’est celui de tous les autres comédiens car il n’y a pas de fausse note dans ce spectacle magiquement mis en scène par Marion Bierry avec la plus grande grâce et de belles ellipses. La superbe scénographie de Gilles Lambert, paravents translucides entre deux mondes, donne encore plus de limpidité, à mesure qu’ils virevoltent pour nous faire glisser avec aisance d’une scène à l’autre. Et leur éclairage de couleurs monochromes correspond totalement au ton de la pièce. Seul bémol : l’affiche un brin racoleuse (la pièce méritait quand-même mieux).
On suit donc avec beaucoup de plaisir l’apprentissage puis l’ascension de ce groupe aux personnages bien dessinés, ainsi que les autres rôles. Les scènes se suivent avec vivacité, les répliques sont efficaces et la drôlerie des situations n’empêche pas la force du propos, ni le spectateur de s’enflammer pour cette épopée humaine et ce bouillonnement qui a lieu devant nous.
Ces mineurs se passionnent pour l’art et progressent au point d’arriver à ressentir les choses mieux que leur professeur, trop sûr de sa technique. Ainsi cette scène magnifique où, au sortir d’une exposition d’art chinois, celui-ci trouve ça "ordinaire" alors que les mineurs sont touchés par la simplicité et les nuances. Helen, la collectionneuse, leur donnera raison en trouvant que c’est "une des plus belles choses qu’elle aie vues de toute sa vie".
La fin, qui remet les mineurs dans l’âpre réalité, est amère mais laisse un peu d’espoir. Elle dit l’importance de l’art pour vivre. Au final, l’art n’aura peut-être pas changé le monde mais il aura certainement changé ces hommes à jamais. Ainsi peut-être que les spectateurs, espérons-le…
On ne peut être qu’admiratif d’un tel spectacle qui met totalement en valeur le si beau texte de Lee Hall (formidablement bien traduit par Fabrice Melquiot) qui parle tellement bien d’émotions et sait nous les communiquer avec autant de talent. Une grande pièce à ne surtout pas rater. |