Réalisé
par Franck Perry. Etats Uis. Drame.
Durée : 1h34. (1ère sortie en 1968 - Sortie 24 novembre 2010). Avec Burt Lancaster, Janet Landgard, Janice Rule, Tony Bicklet.
D’abord prévenir tous les spectateurs qui iront voir "The Swimmer" : quand le film s’achèvera sur une scène d’une audace formelle qu’ils ne pourront pas oublier, ils n’arriveront pas à se lever tout de suite pour regagner la vie courante.
Tétanisés par l’émotion, saisis par la performance de Burt Lancaster, ils se demanderont encore s’ils ont rêvé ou s’ils viennent vraiment de voir l’essence de la condition humaine résumée par les longueurs de piscine accomplies tragiquement par un quinquagénaire sans un gramme de graisse. Ils s’interrogeront sur l’aberrant destin d’un film pareil : totalement passé inaperçu à sa sortie en 1968, totalement sous-estimé par toutes les histoires du cinéma.
Comment n’a-t-on vu que récemment que Burt Lancaster est ici au summum de sa carrière pourtant extraordinaire ? Qu’il est encore plus grand en slip de bain qu’en prince sicilien ou en prisonnier d’Alcatraz ? Comment a-t-on à ce point pu oublier le culot du réalisateur Franck Perry, alors seulement âgé de 35 ans, adaptant un récit métaphorique de John Cheever qui paraissait impossible à transposer sur un écran ?
Évidemment, aujourd’hui, on comprend que "The Swimmer" n’est pas un récit kitsch sur un nageur piquant une tête dès qu’il sent le chlore d’une piscine, et qu’il est plutôt un réquisitoire impitoyable contre les vanités américaines, une mise en cause sans concession de la haute bourgeoisie puritaine. En 1968, on préférait sans doute les critiques plus immédiates, plus rentre-dedans d’une Amérique en train de se radicaliser autour de la guerre du Vietnam et de la libération des mœurs.
Mais l’échec prévisible du film vient d’ailleurs : comme toutes les grandes œuvres, "The Swimmer" annonce la fin d’un monde sans avoir envie de s’en réjouir. Aux lendemains qu’on croit chantants, il préfère les larmes d’aujourd’hui sur les illusions d’hier.
Reste le mystère de la création : comment n’a-t-on pas vu en 1968 la singularité de ce récit et comment n’a-t-on pas détecté qu’on était devant un metteur en scène à l’énorme potentiel ?
Dommage pour Franck Perry cantonné dès lors à la seconde division cinématographique. Pour se convaincre de son talent, il suffit de voir la scène étonnante où il fait sauter des haies de jumping à Burt Lancaster et le transforme en homme-cheval aussi beau que les montures qu’il chevauchait dans les westerns de Robert Aldrich.
Disparu prématurément à 65 ans, Perry ne saura donc jamais que l’un de ses films a fini par rejoindre le Panthéon du septième des arts et qu’il n’aura donc pas été cinéaste en vain. |