On a déjà signalé le travail de la Maison de la Culture du Japon à Paris pour faire connaître la richesse et la diversité du cinéma japonais, qui, l’année dernière, a encore produit deux fois plus de films que son homologue français.
Souvent, la MCJP met l’accent sur un cinéaste ou consacre une longue rétrospective à un studio, comme ce sera encore le cas dès février 2011 avec la deuxième partie du programme consacré au grand studio Tôhô.
Cette fois, l’hommage sera plus original, puisqu’il s’agira d’honorer Takeo Kimura un des plus grands décorateurs du cinéma japonais qui est mort l’année dernière à 92 ans.
Élève de Kisaku Itô (1899-1967), sans doute le plus grand décorateur nippon de théâtre, Kimura acquiert la célébrité et la reconnaissance en 1953, avec son travail pour "L’Oie sauvage" de Shirô Toyoda où il reconstitue le Tokyo du début du vingtième siècle avec une grande fidélité. Les connaisseurs parlèrent même de perfection. Employé par les Studios Daei, il disposait alors de moyens considérables pour reconstituer les périodes du passé.
En rejoignant la firme Nikkatsu, il s’oriente vers les productions de "série B" et devient notamment le partenaire du réalisateur Seijun Suzuki, dont il va contribuer à l’esthétique. Contrairement aux productions de genre du moment, la collaboration Kimura/Suzuki s’affirme volontairement “antiréaliste”. Kimura va réussir la prouesse paradoxale de mettre en place un style décoratif abstrait pour des films noirs. Le film le plus connu de Suzuki, "Le Vagabond de Tokyo" (1966), qu’on pourra voir dans cet hommage, est l’aboutissement formel de cette collaboration hors normes.
Mais les conditions économiques nouvelles du cinéma japonais après 1968 contraignent les deux hommes à s’orienter vers la production indépendante. Kimura travaille alors pour de plus jeunes réalisateurs, comme Kei Kumai, Kazehiko Hasegawa ou Kaizô Hayashi. Il retrouve Suzuki en 1980 pour "Mélodie tsigane" et une ultime fois en 2005 pour "Princesse Raccoon", deux films au programme de cette rétrospective.
Au total, Takeo Kimura aura travaillé sur les décors et les costumes de 230 films.
Outre les films de Seijun Suzuki, que l’on a pu déjà souvent voir, et les classique de Tomi Uchida ("Chacun sa coquille") et Shirô Toyoda ("L’oie sauvage"), l’hommage à Kimura permettra de découvrir des films plus rares, voire inédits comme "Journal d’un policier" de Seiji Hisamatsu - auteur d’une centaine de films ! - ou "Une Ruelle sous le soleil", un film-fleuve de Tomotaka Tasaka, considéré comme un classique au Japon et qui surprendra par la grande originalité de son propos. Par ailleurs, un autre film de Tasaka est également au programme, "L’Enfant favori de la bonne", qui donnera lui aussi envie d’en voir plus d’un cinéaste mal connu en France et qui a pourtant tourné plus de 30 films.
À signaler que tout de suite après cet hommage, on pourra aussi découvrir Takeo Kimura cinéaste, puisqu’il a réalisé plusieurs films à la fin de sa vie, comme ce "Rêve éveillé", diffusé le 21 janvier 2011, et qui est une espèce de poème visuel résumant finalement assez bien une étonnante carrière qui dépasse de loin celle d’un simple décorateur, fut-il de grand talent. |