"Sauver l’amour". Le titre de son dernier album, brandi comme un slogan électoral, n’a jamais été autant d’actualité.

Vingt-cinq ans après sa disparition dans un stupide accident d’hélicoptère, Daniel Balavoine est plus que jamais présent. Dans les mémoires de ceux qui ont connu son exceptionnelle ascension. Chez les nouvelles générations qui ne cessent de reprendre les refrains rageurs de ses chansons, véritables manifestes contre l’intolérance, les fanatismes, les corruptions. En un mot : contre la connerie…

Qui ne se souvient pas de ce qu’il faisait lorsque tomba cette nouvelle qui abasourdit la France entière ? Le plus vivant des chanteurs venait de se tuer dans un stupide accident d’hélicoptère au cours d’une mission à caractère humanitaire. Le plus vivant, le plus virulent aussi, celui qui avait osé braver la force tranquille d’un candidat à la présidentielle au cours d’un mémorable direct, celui qui avait harangué les anciens combattants. Non pas, comme Renaud ou Siné, pour leur cracher sa haine antimilitariste à la figure : juste pour leur dire qu’on n’a pas à souhaiter aux jeunes générations "une bonne guerre" pour qu’elles comprennent la vie. La vie ne lui apprenait rien, chantait-il. Mais le respect profond qu’il lui vouait en faisait un écorché vif comme on dit.

Il n’a pas cramé un billet de 500 balles en direct sur TF1. Il n’aura jamais balancé à une chanteuse américaine ses envies de la baiser. Non, Balavoine n’est pas Gainsbourg, le roi de la provocation permanente. Et pourtant, ses colères lui auront valu des scandales retentissants. Pas toujours sur les plateaux pour la promo de ses disques, il intervenait. Il ouvrait sa grande gueule. Il hurlait une colère qui peut-être lui faisait moins mal une fois balancées ces vérités, ses vérités. Avec sévérité parfois. Devenu le porte-parole de la jeunesse, cette "douleur si ancienne en manque de compréhension" (1), il sera aussi son idole. Et se fera une place. La première.

Des débuts laborieux

"Pour faire un disque il faut avoir fait tant de chemin, juste un peu d’ivresse et beaucoup de chagrin" (2). Il savait de quoi il parlait. Les débuts sont laborieux. Personne ne s’intéresse à ce drôle de type avec sa "voix de pd" haut perchée. Cette voix pure, cristalline, il l’imposera grâce à Michel Berger qui lui confie l’un des rôles principaux de "Starmania". Pourtant, avant, un album majeur, "Les Aventures de Simon et Gunther… Stein" qui évoque le Mur de Berlin. Cette perle redécouverte avec le succès des disques qui suivront contient déjà quelques titres aujourd’hui incontournables ("Lady Marlène" ou encore la déchirante "Lettre à Marie").

Balavoine a presque inventé l’album concept. L’explosion arrive avec "Le Chanteur", titre d’une sibylline autodérision. Balavoine est enfin dans la cour des grands. Il n’en sortira plus. "Vivre ou survire", "Je ne suis pas un héros", "Pour la femme veuve qui s’éveille", "L’Aziza"… Les concerts donnent lieu à un déchainement des foules. Car Balavoine sur scène a quelque chose de brélien (il voue une admiration sans borne à Brel) : il donne tout.

C’est que le don est chez lui une nature, une nécessité, une urgence. Il le pratiquera jusqu’au bout et c’est ce qui le perdra. Le 14 janvier 1985, alors que "L’Aziza" est en train de faire une entrée fracassante dans les hits parades, au cours d’une expédition à caractère philanthropique, l’hélicoptère qui emmène Balavoine et ses compagnons de charité s’écrase en plein désert mauritanien. La France est sous le choc. Elle continuera à saluer la mémoire de ce type pas comme les autres.

Les artistes reprennent ses chansons (Jeanne Mas offre un sublime "Tous les cris les SOS" dans un de ses albums et reprend "Lucie" sur scène en 1986, Hallyday accroche à son tour de chant "Je ne suis pas un héros", le groupe Gold reprend "L’Aziza" à l’Olympia, Liane Foly retrouve le chemin du succès grâce à "La vie ne m’apprend rien"), les jeunes l’écoutent toujours, des chansons lui rendent hommage (Cabrel et "Dormir debout").

Un livre qui fait parler Daniel

Balavoine encore parmi nous ? Plus que jamais. C’est d’ailleurs le titre de l’ouvrage que lui consacre Fabien Lecoeuvre ("Balavoine parmi nous" paru aux Editions du Rocher). 25 ans qu’il n’est plus là. 10 ans de carrière seulement et 9 albums. Alors, pourquoi l’homme qui voulait sauver l’amour est-il toujours aussi présent ? La réponse est entre les lignes de cet ouvrage passionnant où la parole est donnée à Balavoine.

Extraits d’entretiens inédits y ont la part belle. On y découvre la fulgurance d’un homme qui vivait (ou survivait) avec son temps et ne s’embarrassait pas de salamalecs pour dire tout haut et le plus fort possible ce qui lui brisait le cœur.

Idéaliste, désespérément romantique mais jamais résigné. Balavoine nous livre ses états d’âmes et ses états d’homme sur l’amour, les femmes, la mort, la chanson, la haine raciale, le showbiz, la politique, la misère, la faim… La vie, quoi ! Assurément, lui qui voulait "partir avant les miens pour ne pas hériter de leur flamme qui s’éteint et (…) garder le sentiment qu’ils vivront éternellement" (3), lui qui repose sous cette dalle d’une virginale blancheur dans un cimetière de Biarritz, est bel et bien vivant aujourd’hui. Plus que jamais.

Le 25ème anniversaire de la mort de Balavoine fait l’objet de nombreuses manifestations sur les chaines de télévisions, stations de radios. Une intégrale est également sortie. Toutes infos sont sur le site très bien fait consacré au chanteur.

 

(1)"Petite Angèle" (album "Sauver l’amour")
(2)"Pour faire un disque" (album "Vendeurs de larmes")
(3)"Partir avant les miens" (album "Loin des yeux de l’Occident")