Auréolé aux yeux de certains de la réputation de meilleur groupe du monde, les Youngs Gods semblent tout simplement pouvoir tout se permettre. Et notamment, après vingt cinq belles années d'existence, de continuer à s'inventer avec excellence.
Après l'échappée acoustique Knock On Wood, au studio comme à la scène, la bande de Franz Treichler se transforme officiellement en quartet avec l'adjonction d'un guitariste, pour mieux revenir à ses premières amours : un rock abreuvé d'une électronique aussi intelligente qu'efficace, poétique, évocateur, puissant. Rock ? Vraiment ? Pour ces pionniers du sampler ? A n'en pas douter, puisque ce n'est pas tant dans les sonorités que dans l'esprit que réside le rock. Et à ce jeu-là, les Young Gods sont certainement insurpassables – ce qui explique d'ailleurs certainement la facilité avec laquelle la guitare de Vincent Hänni s'est installée. Et n'oublions pas que les suisses étaient l'inspiration la plus revendiquée des français de Noir Désir. Alors, oui : rock, résolument.
De fait, le ton de cet quinzième long sera très proche de celui de Super Ready / Fragmenté, album majeur de 2007. Les Young Gods renouvellent ainsi le prodige d'une musique qui, malgré un univers abstrait et exigent par la complexité de ses arrangements, sait garder une authentique chaleur – qui est d'autant plus précieuse que l'album possède également, dans le regard qu'il porte sur le monde, au creux de ses textes, une certaine noirceur, qu'indique déjà son titre : "Everybody knows that the war is over / Everybody knows the good guys lost / Everybody knows the fight was fixed / The poor stay poor, the rich get rich", comme le chantait déjà Leonard Cohen ("Tout le monde sait que la guerre est finie / tout le monde sait que les gentils ont perdus / tout le monde sait que le combat était arrangé / les pauvres restent pauvres, les riches s'enrichissent"). |