Comédie écrite et mise en scène par Pierre Notte, avec Bernard Alane, Romain Apelbaum, Sophie Artur,
Emma De Caunes et Raphaël.
Année 1959 : la famille Gérard attend un enfant. Son père qui veut à tout prix lui donner un destin exceptionnel prétend le prénommer Charles (comme De Gaulle). Sa mère, dont l’idole est Gérard Philipe, l’appellerait bien Philippe. Le père meurt (en tombant de la grande roue).
On retrouve dans "Pour l’amour de Gérard Philipe" le style truculent et cabaret de Pierre Notte et ses thèmes de prédilection : les déchirements familiaux, l’errance, la mort, les monstres de foire…
Il y ajoute une évocation des années 60 à 80 à l’aide de projections et d’extraits sonores de l’époque sur des événements marquants (la mort de Gérard Philipe, le premier homme sur la lune, l’élection de François Mitterrand…) et un hommage au héros romantique indissociable du Festival d’Avignon : Gérard Philipe, dont l’image en Fanfan la tulipe sourit comme nous fait sourire ce spectacle choral et poétique à l’équipe d’acteurs éminemment sympathiques. Et l’émotion affleure le temps d’une chanson sublime interprétée par Emma de Caunes ou d’un extrait d’interview.
Raphaël, dont la voix rappelle un peu celle de l’icône de Ramatuelle promène son personnage lunaire, binoclard et infirme qui va apprivoiser l’ours du cirque et faire de son infirmité un atout. Il a quelque chose d’un Buster Keaton lointain, un Petit prince souffreteux. A ses côtés, Emma de Caunes joue Bibi Vogler, la patronne du cirque Prométhéor. Elle montre une belle énergie et une envie manifeste dans un rôle fragile et drôle.
Bernard Alane est plein de facétie également et donne à Max Vogler une vraie humanité. Quant à Sophie Artur et Romain Apelbaum (le père et la mère), ils sont impressionnants de virtuosité, de créativité et de variété de jeu. Son personnage à elle, burlesque et émouvant, est immense. Lui pour sa part, dans le rôle de Bertha l’ours, est formidablement tordant.
Très bien dirigés par l’auteur, tous les comédiens ajoutent une dimension gestuelle à leurs personnages, ce qui fait définitivement entrer le spectacle dans un univers décalé, inclassable et singulier. Emaillant le tout de gags et de clins d’œil divers comme à son habitude, Pierre Notte réussit avec "Pour l’amour de Gérard Philipe" un spectacle flamboyant au petit monde attachant, le tout teinté d’une indicible mélancolie.
La pièce, subliment éclairée par le magicien Antonio de Carvalho nous fait partager et aimer cette vie de troupe aux couleurs étincelantes et suivre ce Philippe Gérard à la poursuite de son propre destin, et non celui voulu par ses parents.
Quant à Pierre Notte, le vrai artiste de cirque c’est bien lui : équilibriste qui se promène en permanence entre dérision et émotion, farce et gravité. En jongleur de mots, son numéro est tout simplement grandiose. Et le public d’applaudir à tout rompre. |