Réalisé
par Frederick Wiseman. Etats Unis. Documentaire.
Durée : 1h31.
(Sortie le 9 mars 2011). Avec Richard Lord.
Il est à craindre que l’annonce d’un documentaire sur la vie d’un club de boxe à Austin, Texas, ne motivera pas tous les spectateurs qui ne pratiquent pas le noble art.
Pourtant, s’ils passent à côté de "Boxing gym", ils rateront un beau moment de cinéma qui donne presque autant de punch que le travail des gants.
Qu’ils sachent, d’abord, que le film est signé de Frederick Wiseman, c’est-à-dire du plus grand documentariste vivant avec Raymond Depardon. Auteur prolifique, Wiseman raconte depuis 1967 la vie des Américains à travers les principales institutions. Rien n’a échappé à sa caméra : hôpitaux, prisons, tribunaux. Il a parlé de l’école comme de l’armée et observé la violence étatique sous toutes ses formes.
Dans cette immense carrière, Wiseman s’est même permis de filmer le ballet de l’Opéra de Paris en 2009, comme la Comédie-Française en 1996.
Le voilà donc dans une salle de boxe fondée par Richard Lord, où se côtoie de manière très "cool" un condensé de la population américaine.
Et c’est là, le paradoxe étonnant de "Boxing gym" : dans un endroit oùl’on est normalement venu pour se donner des coups, chacun échange avec un autre bien différent. Étudiants de bonne famille, prolos tatoués, boxeurs et anciens boxeurs, chômeurs et sans doute grands et petits voyous, femmes et retraités, noirs, blancs et chicanos, tous partagent leurs expériences, sur leur pratique de la boxe et sur bien d’autres choses de la vie.
Il se dégage de ses instants filmés une sérénité qui rend heureux le spectateur. On n’a jamais l’impression d’être extérieur à ces gens qui ne sont jamais des caricatures. On n’a jamais l’impression que Wiseman choisit pour nous, qu’il nous dicte notre regard ou nous impose le sien. On n’a même pas l’impression que le film soit monté.
Un mot surgit devant ce travail magistral : perfection. Si l’on cherche à comprendre comment c’est fait, on n’y parvient pas : aucun dispositif récurrent, aucune personnage emblématique mis en avant ou moment fort privilégié, aucune progression narrative... Wiseman ne fait que filmer "démocratiquement" du temps qui passe.
Cet homme si critique pour la société américaine depuis plus de quarante ans en montre dans “Boxing Gym” les bons côtés. La violence est l’âme, l’épicentre de l’Amérique. Mais dans l’antre où elle est supposée s’exacerber, la violence se transforme. La boxe apaise. Havre de paix dans un monde de brutes, elle est une utopie. Peut-être la dernière.
Pour un cinéaste qui avait cru que le cinéma pouvait avoir cette fonction, c’est une leçon. La leçon de boxe du cinéaste Wiseman est tout bonnement admirable. |