Inventeurs du roman gothique, avec Ann Radcliffe ("Le confessionnal des pénitents noirs") et M.G. Lewis ("Le Moine"), les Anglais ont ensuite créé les plus grands mythes fantastiques : Frankenstein (Mary Shelley), Dracula (Bram Stocker), Dr Jekyll et Mr Hyde (Robert Louis Stevenson), L’Homme invisible (H.G. Wells).
Quant au plus célèbre des détectives londoniens, Sherlock Holmes, ses aventures se déroulent souvent dans un climat mystérieux, onirique, comme en témoigne le célèbre "Le Chien des Baskerville".
On aurait donc pu logiquement penser que le cinéma britannique se serait copieusement nourri du meilleur de sa littérature populaire.
Or, avant les années 1950, il n’en a rien été et les héros anglais ont fait surtout les beaux jours d’Hollywood qui a codifié et rendu universels les mythes de Frankenstein, avec Boris Karloff en monstre émouvant, et de Dracula, avec Bela Lugosi en prince des ténèbres.
Quant la Hammer Films relève enfin le défi, les "monstres" n’ont plus la cote de l’autre côté de l’Atlantique et les vieilles gloires du genre, comme Lugosi ou Lon Chaney Jr, ne s’agitent plus que dans des productions de plus en plus médiocres, produites avec des bouts de ficelles.
Pour réussir son coup, la Hammer Films en revient à des productions soignées, en couleur, et tournant ainsi le dos au néo-expressionnisme en noir et blanc des films de James Whale. Elle s’appuie sur quelques réalisateurs (Terence Fisher) ou directeurs de la photographie (Freddie Francis) qui soignent les atmosphères, cherchant à créer un vrai sentiment de peur. On crie davantage que dans les productions américaines, on y voit plus de sang, un beau sang bien rouge et les dents des vampires s’enfoncent dans des épaules plus dénudées alors que les monstres plus pervers n’hésitent pas à lorgner des gorges déjà bien décolletées.
Comme on le verra dans cette rétrospective, il y a un véritable style Hammer, un travail de studio cohérent qui ne néglige ni les décors ni les ambiances musicales. On y retrouve aussi une équipe d’acteurs expressifs mais jamais dans l’outrance. L’équipe Peter Cushing-Christopher Lee fait merveille.
Il ne faudra pas rater "Dracula, prince des ténèbres", une des meilleures œuvres de Terence Fisher dans laquelle Christopher Lee crée un Dracula inoubliable et parfaitement antithétique des compositions de Bela Lugosi. Quant à Peter Cushing, il excelle en savant, plus ou moins raisonnable, et l’on ne ratera pas ses premières compositions du Docteur Frankenstein, dans "The Curse of Frankenstein" ou "The Revenge of Frankenstein".
Parmi les films présentés, il ne faudra pas rater "Dr Jekyll et Sister Hyde" de Roy Ward Baker, "The Plagues of the zombies" et "The Reptile" ("La Femme reptile"), deux des meilleurs films de John Gilling, l’autre auteur-maison de la Hammer avec Terence Fisher.
Mais il n’est peut-être pas judicieux de faire des hiérarchies dans le cinéma de genre. En une quinzaine d’années d’intense activité, la Hammer a enrichi le cinéma de films désormais intemporels qui doivent se regarder aujourd’hui sans arrière-pensées, et même sans pensées du tout, comme des moments de pure distraction qui ne feront pas tache dans l’auditorium d’un musée prestigieux. |