Comédie dramatique d'après la pièce éponyme de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Michaël Dusautoy, avec Claire Corlier, Jean-Charles Delaume, Hanako Danjo, Damien Saugeon et Flore Vialet. Après "Le Projet RW", éloge de la promenade poétique sur les pas de Robert Walser, et "La Belle au Bois", réécriture transgressive par Jules Supervielle du célèbre conte de Perrault, le Collectif Quatre Ailes, qui se définit avec humour comme un laboratoire de recherches bouillonnantes et délirantes, poursuit, avec "L'oiseau bleu" du poète et dramaturge belge Maurice Maeterlinck, sa route sur le chemin de l'excellence.
De manière subtile et enthousiasmante, le collectif a procédé à la contextualisation du conte poétique et philosophique éponyme du poète et dramaturge belge Maurice Maeterlinck, écrit au début du 20ème siècle, en le transposant dans l'univers urbain contemporain dans lequel les universelles préoccupations métaphysiques de l'homme demeurent inchangées.
Deux enfants, frère et soeur, qui envient les cadeaux reçus par les enfants de la riche maison voisine, partent à la recherche du bonheur qui est représenté par un oiseau bleu, recherche qui prend la forme d'un voyage aussi féérique qu'initiatique qui les conduit à découvrir des contrées imaginaires, espaces merveilleux mais également dans tréfonds des forces obscures, comme le Pays du Souvenir, le Royaume de l'avenir avec ses enfants qui attendent de venir sur terre et le Palais des Gros Bonheurs factices, lieux qui constituent autant d'incursions métaphoriques dans le champ de la métaphysique des questions existentielles fondamentales que sont la vie, la mort, l'âme, l'immanence et le bonheur.
A la mise en scène, Michaël Dusautoy - qui signe également la superbe scénographie conçue en collaboration avec Perrine Leclere-Bailly - s'impose en chef d'orchestre magistral qui fédère tant les talents de comédiens dont le jeu ne verse ni dans la caricature ni dans l'enfantin que celui des artistes plasticiens, musicien et vidéastes qui concourent à la réussite absolue d'un spectacle qui, de surcroît, sans être dédié au jeune public leur est particulièrement accessible.
La scénographie, à la belle esthétique minimaliste, est d'une simplicité totale : trois cimaises mobiles en toile blanche et un seul élément matériel, une fenêtre, fenêtre ouverte sur le monde réel mais également sur l'imaginaire pour entrer dans l'univers onirique fantastique et fantasmatique, et dont l'huisserie métamorphique se fait trapèze pour se libérer de l'apesanteur et voler libre comme l'air, libre comme l'oiseau, cabine d'ascenseur ou lits superposés.
Ces éléments suffisent à ancrer le spectacle qui résulte d'un conséquent travail cinétique apportant une concrétude visuelle à l'immatérialité du rêve avec une ingéniosité scénographique éblouissante qui puise dans la symbiose parfaitement réussie de techniques immémoriales, tels le théâtre d'ombres et le dessin, et la technologie du 21ème siècle avec notamment l'incrustation d'images et le film d'animation qui, à aucun moment, ne relèvent de la posture actuelle de faire du multimedia.
Tout, de la création vidéo d’Annabelle Brunet, aux dessins et animations en 2D et en 3D de Quang’y et Ludovic Laurent, laux subtiles lumières de Anne-Marie Guerrero, aux costumes de Marine Bragard et aux perruques et maquillages de Nathy Polak aux échos contemporains à l'habillage sonore électro-acoustique de S Petit Nico, atteste d'un travail intelligent et abouti de réflexion commune pour arriver à un spectacle qui combine à la perfection le fond et la forme, la résonance contemporaine du conte et la fluidité et la beauté formelles.
C'est dans cet écrin particulièrement réussi qu'interviennent avec sagacité et talent les protagonistes de l'histoire : les enfants, Damien Saugeon et Hanako Danjo, et dans plusieurs rôles, Jean-Charles Delaume et Flore Vialet, épatants notamment et respectivement en chien fidèle, et en chatte gothique, et Claire Corlier toute aussi savoureuse et pétulante en fée-SDF qu'en gratinées déclinaisons des gros bonheurs. |