Aujourd'hui, pour se faire connaître dans le monde de la musique, face à une offre non pas grandissante mais accessible immédiatement et facilement, il faut faire parler de soi.
A la limite, il faut même d'abord faire parler de soi et ensuite réfléchir à la musique que l'on va proposer.
Pourtant, il existe encore majoritairement des artistes, véritables artisans qui font fi de cette industrie musicale en train de se noyer dans sa fange capitaliste, pour proposer avant tout des oeuvres qui parlent d'elles-même. Bien évidemment, l'injustice une fois de plus est évidente, inutile d'espérer toucher la masse radiophonique, à moins d'être repéré pour illustrer une musique de publicité, gloire bien peu glorieuse finalement.
Tout cela pour dire que Jonathan Wilson fait partie de cette catégorie des beaux faiseurs, des orfèvres du son d'exception. Et si son nom ne vous dit rien, sachez que c'est un producteur fort recommandable puisqu'il a bossé avec Bonnie Prince Billy, Joshua Tillman (Fleet Foxes) et qu'il a joué avec Costello, Vetiver ou même Wilco.
C'est donc dans son studio entièrement équipé pour produire du son analogique (paradoxe, le label n'a malheureusement pas envoyé l'album en vinyle mais en .wav) que Wilson au fil des années a préparé Gentle Spirit, son premier album rien qu'à lui. Patient travail payant car ce disque est une belle réussite, encore signé chez le décidément remarquable label anglais Bella Union.
La pochette du disque, déjà, a l'air sympathique. Dessin un peu surréaliste et coloré qui rappelle les pochettes de Swell.
A l'intérieur, c'est-à-dire à l'écoute, c'est à l'avenant. Pas réellement surréaliste mais pour le moins un rien psychédélique 70 dont le summum est atteint sur "The way I feel" avec son clavier vintage et son tambourin. L'ensemble pioche d'ailleurs délibérément dans le "bestiaire" instrumental d'époque. Rythmiques planantes s'emballant parfois sans crier gare, guitares électriques capables d'autant de douceurs à base d'arpèges, rappelant le bien nommé Arpeggiator de Vini Reilly et ses Durutti Column ("Natural Rhapsody") que d'attaques incisives plus directement rock.
L'ensemble se balade entre Pink Floyd, The Beatles, Elliott Smith et autres faiseurs d'émotions.
Les titres prennent tout autant leur temps qu'il en a fallu à Wilson pour sortir ce disque, doublant allègrement le temps réglementaire des 3 minutes pour passer en radio.
Et c'est tant mieux car qui aurait envie que "Gentle spirit", qui donne son nom à l'album, s'arrête ?
Envoûtant, fragile. Beau tout simplement, Gentle Spirit devrait logiquement trouver sa place dans votre discothèque entre quelques disques de folk américaines triés sur le volet et l'intégrale d'Elliott Smith. Et puis c'est tellement moins ennuyeux que Will Oldham. |