Monologue dramatique d'après l'oeuvre de Olivier Cadiot interprété par Laurent Poitrenaux dans une mise en scène de Ludovic Lagarde.
Olivier Cadiot, à l'écriture, Ludovic Lagarde, à la mise en scène et Laurent Poitrenaux, au jeu, constituent un trio pérenne de compagnonnage théâtral.
Elaboré sur le mode du flux de pensée et de la tempête sous un crâne hugolienne, "Providence", leur troisième entreprise monologale résulte de la transposition du roman éponyme du premier qui est placé sous l'influence assumée du film d'Alain Resnais, portant même titre, relatant les déambulations créatrices d'un écrivain.
En l'espèce, tout commence par la glose critique de la recherche du naturaliste Charles Darwin sur les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes effectuée par un personnage singulier qui tient du reclus atypique, avatar contemporain de Proust par son rapport au monde, et du double autofictionnel de l'écrivain avec l'ambiguité schizophrènique qui le relie à ses personnages.
Dans son salon high-tech équipé comme une salle de projection et un studio acoustique, variation moderne réalisée par Antoine Vasseur de la chambre capitonnée de l'auteur de la Recherche, un homme se livre à des divagations métamorphiques qui l'entraînent dans des périples dédaliens dans tous les domaines de l'art, la musique, la littérature, l'art contemporain et même l'architecture et la photographie.
S'ils opèrent une traversée du 20ème siècle, des expérimentations photographiques à la Kertész à la musique répétitive en passant par le sabrage de l'art conceptuel opéré par des vieilles jumelles milliardaires qui tirent à vue sur Rauschenberg et Rothko comme sur les antiques en préconisant le dynamitage des musées, ils proposent également une belle échappée balzacienne sur la foire aux vanités avec l'avatar féminin du héros des "Illusions perdues".
Fruit d'un travail manifestement symbiotique, avec, en sus, un traitement accompli, notamment par l'apport judicieux d'un dispositif sonore et vidéotique, hors de tout effet de mode, la réalisation informatique musicale conçue par Sébastien Naves et Jérôme Tuncer, ingénieurs du son à l'Ircam, et l'insert photo-numérique du cinéaste et photographe Michael Salerno, l'opus opère une enthousiasmante novation de l'exercice monologal en terme d'interactivité et d'introspection en apesanteur d'une partition vagabonde.
Au jeu, doté d'une présence captivante qui tient notamment à sa gestuelle, Laurent Poitenaux, comédien au sommet de son art par sa maîtrise de l'éloquence sensible et de l'incarnation éclairée, notamment du verbe, porte en majesté ce brillant road-trip mental en forme de voyage au pays des arts et lettres.
Du grand art. |