Comédie de Prosper Mérimée, mise en scène de Raul Fokoua, avec Marie Dejou, Raul Fokoua, Mathieu Trémembert, Mathieu Petriat et Paul-Henri Blot. Le mérite de la jeune Compagnie Vinciane, qui n'est pas le moindre, est d'avoir choisi, pour sa création d'intronisation, une des rares partitions théâtrales de Prosper Mérimée, oeuvres de jeunesse écrites sous peudonyme, qui, à défaut de succès, assurèrent toutefois le "buzz" en son temps. Bien que méconnu du grand public alors même qu'il a inspiré les auteurs du livret de l'opéra-bouffe "La Périchole" mis en musique par Jacques Offenbach et le film éponyme réalisé par le cinéaste Jean Renoir, "Le Carrosse du Saint-Sacrement" s'avère une comédie jubilatoire considérée manifestement à tort comme inadaptée pour la scène. Or, elle ressort tant au vaudeville, par son argument, une variation de la scène de ménage, qu'à la satire concoctée avec humour par un mondain fréquentant assidument les salons de la Restauration et anticlérical, satire sociale, sur la bonne société et une des figures de la Belle Epoque qu'est la demi-mondaine et son art consommé de la séduction reposant sur l’habileté de la cocotte à manipuler la libido masculine, et cléricale par son dénouement annoncé par le titre. De plus, pour la mise en scène, Raul Fokoa a judicieusement opté pour la sobriété en ne cédant ni aux effets ni au surjeu associés à ce genre et prend quasiment son contrepied en adoptant une pondération dramatique qui remplit parfaitement son office en décuplant le ridule comique tant de la situation que des caractères. Car Prosper Mérimée transporte le spectateur au 18ème siècle, dans le cabinet de Don Andres de Ribera, vice-roi du Pérou, barbon contraint à garder la chambre par un accès de goutte, qui est sollicité par sa jeune maîtresse, la "théâtreuse" Camila Périchole, venue quémander le somptueux carrosse doré qu'il vient de recevoir pour s'afficher et damer le pion aux jalouses "bégueules" de Lima. Mais celle-ci semble tombée en disgrâce suite aux ragots suscités par sa liberté de moeurs et ses frasques. Alors, obtiendra-t-elle ou pas "son" carrosse ? Tel est l'enjeu crucial du jubilatoire opus.
Egalement au jeu, usant d'un ton ampoulé et de trémolos de diva, Raul Fokoua s'avère truculent pour camper un vice-roi d'opérette imbu de son titre et de son pouvoir qui oscille entre auto-apitoiement, accès de colère et mièvreries sentimentales ne manquant pas d'interloquer son valet pince-sans-rire qui n'en pense pas moins avec une belle composition de Paul-Henri Blot. De même que son secrétaire, interprété par Mathieu Petriat parfait dans l'affectation servile et la délectation perfide du confident et désopilant dans la narration d'épisodes croquignolets, dont celui du perroquet moqueur, tout comme Mathieu Trémembert dans celui de l'épique accident de la "route"
Et Marie Dejou excelle dans l'emploi de coquette à la langue bien pendue qui prend de haut critiques comme reproches, se proclamant "infante d’Irlande, reine de Saba, reine Thomyris, Vénus et sainte Justine, vierge et martyre" et se voulant l'égale des aristocrates pour aller non "à pied comme une fille du peuple ou en chaise à porteurs comme une bourgeoise".
Ainsi le quintet bien distribué assure un joyeux divertissement. |