Il a fallu plusieurs années, une décennie en fait, pour permettre à Victoria Legrand et Alex Scally de façonner l’identité de Beach House. Aujourd’hui, quand on mentionne la musique du duo, les adjectifs sont pléthore : shoegaze, spacieux, aérien ou même stellaire. Ce sont les mots qui ont fini par coller au groupe issu des rues de Baltimore, aussi sûrement qu’une seconde peau.

Avec une musique savamment dosée et patiemment portée à son paroxysme, oscillant entre sensualité et rêve demi-éveillé, Beach House a fini par évoluer, ou plutôt par régresser.

C’est qu’avec Bloom sorti en 2012, le duo avait fini par exploser la voûte céleste qu’ils caressaient du bout des doigts, depuis de nombreuses années. Du coup, pour les deux rêveurs, il s’agit maintenant de rétro pédaler et de ne pas se laisser emporter par la lame de fond qu’ils ont eux-mêmes suscité. Fini les concerts à grande audience, Alex et Victoria ne souhaitent désormais jouer que face à des petits comités, pour révéler et sublimer leur création. Le Beach House 2015 est un rêveur humble. Il ne s’imagine plus à décrocher la lune, celle-ci est déjà dans son giron, mais songe à lui conter fleurette.

Depression Cherry s’impose comme avec des sérénades timides, exploitant la marque de fabrique Beach House sans trop s’attarder sur des déploiements grandiloquents. Pas de panique, "Bluebird", "10:37" ou encore "Levitation" sont bien sortis de la même usine que les titres des opus précédents. Néanmoins, Depression Cherry est frappé par le sceau d’une nouvelle pudeur qui pousse chaque production vers des îlots encore plus intimistes que d’accoutumée. Victoria chuchote avec une vigueur renouvelée ("Beyond Love") et certains titres lancent de nombreux ponts entre mélodie pop et constructions liturgiques ("Days of Candy"). Un grand écart qui pourra rebuter les néophytes du duo et ravir les fans, d’autant plus que de leurs propres mots, Alex et Victoria ne souhaitent pas plaire au plus grand nombre.