Mélo burlesque écrit et interprété par Pierre Guillois, Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan.

Pour titre, une onomatopée, "Bigre", en parfaite adéquation avec ce "mélo burlesque" qui suscite un irrépressible rire alors même qu'il constitue une apocalyptique fresque sur le tragique de la condition humaine.

Co-écrite par Pierre Guillois, auteur notamment de l'"hénaurme" comédie "Le Gros, la Vache et le Mainate", pour donner une idée du registre atypique et détonnant de l'opus, Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan, avec la collaboration de Robin Causse, la partition met en scène, dans le registre de la pantomime, "trois clowns du désastre urbain [qui] apprennent à vivre ensemble".

En clair, deux hommes et une femme, rien à voir avec le triangle vaudevillesque, quoi que, des chambres mansardées contigües avec commodités sur le palier déclinées façon cartoonesque par Laura Léonard et l'univers de trois handicapés de la vie ayant pour points communs, la solitude et la fragilité psychologique, livrés en tranches d'humanité bien saignante.

Ses points forts, et novateurs tiennent au renouvellement du duo clownesque et du tandem comique par l'introduction judicieuse d'un troisième - et féminin - élément, au recours au registre du théâtre gestuel avec la pantomime comique, à l'ambivalence des personnages qui sont tour à tour victime et bourreau et l'utilisation ébouriffante tant de toutes les catégoriques du comique que des procédés de la technique et des degrés du risible, une véritable encyclopédie appliquée de l'art du rire, de la bouffonnerie au délirant.

En bref, dans la veine d'un Hanok Levin sans paroles et une belle illustration de la philosophie de Schopenhauer au terme de laquelle la vie est une tragédie dans son ensemble et une comédie dans ses détails.

Par ailleurs, la maitrise de la mécanique du rire et la virtuosité du jeu des auteurs-comédiens portent ce spectacle au pinacle du burlesque hérité des grands comiques du cinéma muet.

Sur scène, Laurel et Hardy côtoient Betty Boop et un trio de choc dispense ce spectacle aussi divertissant que roboratif. Pierre Guillois, en syllogomane filiforme sans doute devenu maigre pour améliorer ses déplacements dans son minuscule gourbi, Olivier Martin-Salvan en geek quasi-autiste et karaoké-addict au physique d'ogre rabelaisien et au couinement de castrat dans une chambre blanche et aseptisée proche d'une cellule psychiatrique, et Agathe L’Huillier, pimpante et gironde miss catastrophe dans son LDK girly-kitsch, campent non sans humanité ces si chers et loufoques voisins.