Comédie écrite et mise en scène par Benjamin Bellecour et Pierre Antoire Durand, avec Jacques Bourgaux, Clément Aubert, Arnaud Pfeiffer et Anna Mihalcea.
Les noms associés des deux coauteurs évoquent, déjà la France, comme Bouvard et Pécuchet ou Barillet et Grédy. Le titre même de la pièce, "Jean Martin ou la vie normale", enfonce le clou de l’évidence : il va s’agir de notre beau pays, de "l’Hexagone", comme on dit à la télé, tel un métronome.
Un brave garçon, francophile de cœur et d’âme, débarque de sa Roumanie natale, non par l’Orient-Express, mais probablement par un aéronef de la Tarom. Il se retrouve dans le légendaire R.ER. B, (l’Orient-Express du 9-3), et la conversation s’engage avec un autochtone encapuchonné.
Il est expédié chez des gens normaux, des Jean Martin, des John Smith, des Juan Lopez, des "Tout-le-monde" qui l’adoptent, lui proposent de partager leur vie normale, avec leur rêve de magasins ouverts le dimanche, leur femme, bête et rieuse, bref qui, bien mieux que l’intégration, lui proposent l’assimilation, cette générosité supplémentaire française.
Mais, pour cela, il faut devenir normal, perdre son accent, se fondre, sans grumeaux. C’est d’accord ?
Fable contemporaine, assez retorse pour se retourner contre ses auteurs, Benjamin Bellecour et Pierre Antoire Durand, avec quelques trouvailles drôles, la pièce vaut surtout par l’interprétation des comédiens, qui eux, aussi, saisissant que le canevas est assez lâche, vont pouvoir s’en donner à cœur joie.
Jacques Bourgaux, jovial et sympathique à se pendre, excellent, et Anna Mihalcea, "the" Femme, la normalisatrice à turbines, formidable petite clownesse délurée et intelligente, enlèvent tout, en compagnie d’Arnaud Pfeifferdrôle, inquiétant, séduisant et masqué.
Clément Aubert, le héros, peine un peu à faire croire, sous une apparence de bobo vernissée, qu’il est cet Amin transplanté en France. Tant pis. La voix extérieure du grand comédien Jacques Laudenbach apporte, quant à elle, une profondeur bouleversante.
Un intermède contemporain, parfois "branché", mais que la folie de comédiens intrépides enflamme de vraie théâtralité. |