Comédie dramatique d'après un texte de Marguerite Duras, mise en scène de Marine de Missolz, avec Olivier Dupuy, Hervé Guilloteau et Laurent Sauvage. Le travail mené par Marine de Missolz pour la transposition scénique du texte "Le Camion" de Marguerite Duras, éclairé par sa note d'intention indiquant "une démarche expérimentale" sur une partition inscrite dans le registre de "la déconstruction du récit traditionnel", déconcertera sans doute le spectateur "ordinaire" qui n'est ni cinéphile averti ni exégète durassien. Un texte, dit dans son film éponyme réalisé en 1977, qui fit couler beaucoup d'encre en son temps en tant qu'il captait l'image d'une femme qui raconte l'histoire d'une femme auto-stoppeuse qui monte dans un camion et ne cesse de parler, notamment de la lutte des classes et de la faillite du communisme, à un chauffeur condescendant sinon indifférent. D'autant que le spectacle proposé par Marine de Missolz est placé sous le signe des paradoxes multiples. Paradoxe que de citer in limine les propos de Marguerite Duras sur le caractère létal de l'image et d'introduire des images vidéos dans le spectacle, images au demeurant convenues, et illustratives, de route de nuit, d'aires de parking et de paysage défilant.
Paradoxes que remplacer la narratrice par un narrateur, ce qui modifie le point de vue dès que ne peut se produire l'éventuelle identification de celle-ci avec le personnage, introduire un personnage surnuméraire quasi fantomatique (Olivier Dupuy) par ailleurs mutique qui modifie la structure du huis-clos originel sans apporter de réelle valeur ajoutée, remplacer la potentielle bulle spatio-temporelle de la cabine du camion par un no man's land dans lequel trois hommes regardent passer la circulation, sorte de symétrique du road-movie auquel fait penser l'auditeur (Hervé Guilloteau) coiffé d'un chapeau de cowboy.
Les dialogues narratifs de la parole durassienne scandée par les lancinants "elle dit/il dit" sont dispensés à un rythme extrêmement par Laurent Sauvage, en l'espèce maître de cérémonie, qui délivre les mots comme s'ils surgissaient au fil d'une pensée improvisée.
Comédien au sommet de son art et extraordinaire passeur de mots, il fascine par sa maîtrise du dire. Mais cette fascination s'étiole sur la durée. Même si surgissent, de manière surprenante, dans tous les sens du terme, de véritables enclaves burlesques parce que Marguerite Duras pense que "la vie est une vaste rigolade". |