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Kira Mouratova 

Réalisé par Kira Mouratova. Russie/Ukraine. Comédie dramatique. 1h30 (Sortie 1967). Avec Nina Rouslanova, Kira Mouratova, Vladimir Vissotski, Olga Vikladt, Aleksey Glazyrin,Valeri Isakov et Svetlana Nemolyaeva.

"Brèves rencontres", de Kira Mouratova, ne s'ouvre pas sur une image, mais sur un son. Dans le noir, ou sur le noir, on entend le tic-tac régulier et lourd d'une pendule.

D'emblée, le ton est donné : le premier film de la réalisatrice ukrainienne sera consacré à l'attente. Deux femmes, Valentina (Kira Mouratova) et Nadia (Nina Rouslanova), sa nouvelle aide ménagère, espèrent retrouver un homme, un géologue fantasque, un esprit libre et volage, qui parcourt le monde, traînant tous les cœurs après lui.

Baladin au paroles de miel, il parle davantage avec sa guitare qu'avec Valentina, sa femme, dont il ne comprend pas le sérieux et la dévotion. Au fond, dans ce couple, chacun semble parler seul, tant la distance est grande entre ces deux corps qui pourtant se désirent.

Lui aime chanter et profiter de chaque instant, elle voudrait qu'ils aient des projets de vie à deux. Entre celui qui désire voyager, et celle qui est ancrée dans sa petite ville de province, les retrouvailles pourront-elles un jour avoir lieu ?

Valentina est chargée du logement, et manifestement de beaucoup d'autres tâches liées au conseil municipal. Aussi ne cesse-elle de courir, de téléphoner, de se faire interpeller par des habitants mécontents, de monter et de descendre des étages pour vérifier la conformité des bâtiments. Sa maison est sans cesse envahie par une foule d'amis qui viennent boire le thé et discuter.

Cette vivacité et cette activité du personnage le jour contrastent avec sa solitude la nuit. Mais Kira Mouratova profite de ce personnage pour faire un portrait mordant d'une réalité du quotidien dans l'URSS de 1967.

La satire de l'administration, avec ses petits passe-droits et ses soucis de paperasse, est mordante à souhait. Valentina ne cesse de devoir discuter, se justifier, son bureau est souvent pris d'assaut, et elle doit même faire face à un groupe très remonté d'habitants qui veulent faire homologuer de nouveaux logements pour pouvoir s'y installer… Même s'ils doivent pour ça renoncer à avoir l'eau courante.

Tout au long du film revient un leitmotiv comique : le "chers camarade" qui ouvre un grand discours que Valentina doit adresser à ses compatriotes pour les convaincre de retourner à la terre et aux activités agricoles. Un discours qui lui donne du fil à retordre, et qui réapparaîtra à plusieurs reprises dans le film.

Problèmes agricoles, problèmes immobiliers, problèmes de canalisations : le personnage est bien installé dans le réel et dans ses soucis les plus matériels.

Cette dimension extrêmement concrète du film est également perceptible dans l'usage qui est fait des objets du quotidien qui entourent le personnage.

Lors de la première scène du film, toute l'attention du spectateur est attirée par un crayon : au son de la pendule se superpose celui du crayon que Valentina tapote sur la table de manière impatiente, et qu'elle laisse debout, cadré en gros plan, avant de s'en emparer à nouveau.

On remarquera que souvent, Kira Mouratova ouvre et ferme un plan en cadrant des objets, soit délaissés (c'est le dernier plan du film, une table dressée en attente de mangeurs), soit saisis par une main, et donc au centre d'une action à venir. Une guitare occupe une place à part.

Accrochée au mur, elle est à l'instrument de musique de Maxime, le substitut de sa voix (aussi, quand une corde se brise-elle toute seule, croit-on entendre une sorte d'appel, ou un signe). Mais elle est aussi le vecteur par lequel les personnages féminins sont rappelées à leur passé. Nadia, dont on découvre peu à peu la relation avec Maxime, entoure cette guitare de soins quasi amoureux.

C'est en la regardant que les femmes évoquent en pensée leurs souvenirs de Maxime, les moments passés avec lui. La guitare devient le corps de la mémoire.

Le recours à cette guitare comme transition entre le passé et le présent témoigne de l'écriture particulièrement soignée du film.

En effet, "Brèves rencontres" articule le passé et le présent, mais avec un souci manifeste de ne pas tomber dans une structure artificielle ; les flashbacks sont au contraire amenés de manière habile. La cinéaste s'appuie sur les objets, madeleines proustiennes, mais également sur le jeu des cadrages et de la lumière. A plusieurs reprises, elle expérimente le fondu au blanc, jouant sur la surexposition pour mêler les deux temporalités.

Ce mélange des temps devient même une coexistence : ainsi, une scène montre Nadia, au premier plan, dans la partie gauche du cadre ; à sa droite, une route poudreuse où avancent deux silhouettes. Au plan suivant, le spectateur comprend que ces deux silhouettes ne sont autres que celles de Nadia et d'une amie. Nadia semble alors avoir contemplé son propre passé, spectatrice d'un temps ancien et plus heureux.

A la fin du film, passé et présent se rejoignent dans une boucle élégante, qui dessine, dans les flashbacks, le parcours de Nadia et les raisons de son arrivée chez Valentina. Avec élégance, Kira Mouratova nous fait pénétrer dans la conscience complexe de ses personnages.

Pour Nadia, le passé, c'est la terre où elle est née et cet été lumineux passé avec Maxime, un contraste douloureux avec la grisaille de la ville.

Car si Kira Mouratova fait le portrait intime de deux femmes, elle ancre son récit dans une réalité historique et sociale précise. La dichotomie entre ville et campagne, dans une Ukraine où on souhaite manifestement veiller à ce que les travaux agricoles continuent à être menés, est évidence. La petite ville anonyme elle-même est partagée entre futur et passé. Elle apparaît en effet comme une bourgade en pleine reconstruction, où la modernisation est un souci constant (d'où la place accordée à l'eau courante).

Dans un même temps, le spectre de la guerre ne cesse de planer dans ses rues animées où les filles de la campagne achètent patates et poulets ; un vieillard passe de table en table pour parler alternativement de son fils ou de sa fille morts pendant la guerre. On est d'abord amusé et incrédule, croyant que l'homme adapte son récit à son interlocuteur. Avant que Valentina n'explique à Nadia qu'il a véritablement perdu ses deux enfants.

Enfin, Kira Mouratova décrit un monde dont la société est divisée. Valentina est une femme manifestement cultivée, comme l'atteste l'énorme bibliothèque qui occupe un pan de mur de son salon. L'une de ses amies vient même lui parler du rôle que la culture et la découverte de la lecture jouent dans sa vie, et du trou que cela a créé entre elle et ses connaissances, moins éduquées.

Cet écart existe aussi entre Valentina et Nadia, la citadine et la fille de la campagne, la fonctionnaire et la femme de ménage. Mais si la cinéaste constate cet écart, elle ne tombe jamais dans la caricature en le décrivant. Cette distinction sociale rend le dialogue délicat entre les deux femmes, peut-être plus que cet amour qu'elles partagent sans le savoir.

Valentina fait preuve d'une grande bienveillance avec Nadia, et semble presque se sentir coupable du confort de son mode de vie, de sa maison, de sa culture. Nadia ne se laissera jamais réellement approcher par cette femme qu'elle observe beaucoup. Mais on sent que leur rencontre laissera à jamais une empreinte.

 

Anne Sivan         
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# 10 mai 2020 : Sortez Masqués !

Le confinement se termine officiellement, on ne sait pas pour combien de temps mais n'oubliez surtout pas de sortir masqués ces prochains jours. En attendant que les spectacles vivants reprennent ... et ce n'est pas pour tout de suite, voici notre sélection hebdomadaire.

Du côté de la musique :

"Soir paien" de Alexis Kossenko, Anna Reinhold & Emmanuel Olivier
Interview de Morgane Imbeaud accompagnée d'une belle session acoustique
"Enrique Granados : Oeuvres pour piano" de Myriam Barbaux-Cohen
"For their love" de Other Lives
"Schubert, sonates pour piano D.845 & D.850" de Philippe Cassard
"Nothing is never over" de The Eternal Youth
"Brute Art" de InRed
"Dark Heart" de TV Party
"Superficial please" de Match
et toujours :
"Les saisons volatiles" de Babx
"Stray" de Bambara
"Love songs" de Batist & the 73' à découvrir en concert live le 5 mai à 19h30 ici
"Content" de Miro Shot
"Invisible" de Benoit Bourgeois
"La traversée" de Bertand Betsch
"Danzas" de Cuareim Quartet & Natasha Rogers

Au théâtre dans un fauteuil de salon avec :

des créations
"La Nuit des taupes"
"To my only desire"
"Vous n'aurez pas ma haine"
"A 90 degrés"
du théâtre classique et moderne revisité :
"Le Marchand de Venise"
"Rosmersholm"
des comédies :
"Le Syndrome de l'Ecossais"
"Paprika"
"Toc-Toc"
"Alors on s'aime"
du côté des humoristes :
Raymond Devos à lOlympia
"Les Vamps à Lourdes"
Au Théâtre ce soir :
"8 Femmes"
"L'Ecole des contribuables"
"Le Bon Débarras"
du vaudeville dans son temps :
"Un Fil à la patte"
"Tailleur pour dames"
et toujours des classiques :
"Les Fausses Confidences"
"Les femmes savantes"

Expositions :

voir ou revoir l'exposition "Turner, peintures et aquarelles - Collections de la Tate" au Musée Jacquemart-André en vidéo
des visites d'expositions commentées par les commissaires :
"Delacroix" au Musée du Louvre
"Berthe Morisot" au Musée d'Orsay
parcourir l'Hexagone :
à Calais pour découvrir la Cité de la Dentelle et de la Mode
et à Toulouse au musée d'art contemporain Les Abattoirs
partir ensuite pour l'Europe :
à Vienne vers le Musée Albertina
en Allemagne avec l'Alte Nationalgalerie Staatliche à Berlin
puis s'envoler pour le Mexique vers le Musée Robert Brady à Cuernavaca et remonter vers le Brésil et le Musée National des Beaux-Arts de Rio de Janeiro
enfin revenir à Paris pour découvrir le Musée Nissim de Camondo

Cinéma at home avec :

voir ou revoir en streaming
du drame étasunien :
"L'Autre rive" de David Gordon Green
"Trop jeune pour mourir" de Robert Markowitz
des super héros et du fantastique :
"Ghost Rider" de Mark Steven Johnson
"Invisible" de David S. Goyer
du cinéma d'animation :
"Dante Inferno" de Victor Cook, Mike Disa et Shuko Murase
du divertissement :
"Pétrole ! Pétrole ! " Christian Gion
"La Famille Addams  de Barry Sonnenfeld
enfin au Ciné Club, du cinéma français des années 50 :
"Les Diaboliques" de Henri-Georges Clouzot
"Les Grandes manoeuvres" de René Clair
"Coiffeur pour dames" de Jean Boyer
"Les Amants de Tolède" de Henri Decoin
une rareté avec "Adam est Eve' de René Gaveau
et une curiosité avec "Rêves" de Akiro Kurosawa doublé en espagnol

Lecture avec :

"Faites moi plaisir" de Mary Gaitskill
"La chaîne" de Adrian McKinty
"Incident au fond de la galaxie" de Etgar Keret
et toujours :
"PLS" de Joanne Richoux
"Le nouveau western" de Marc Fernandez
"La femme révélée" de Gaëlle Nohant

Froggeek's Delight :

Suivez la chaine Twitch de Froggy's Delight pour des lives Jeux vidéos tout au long de la semaine mais aussi des concerts (en direct et en replay).

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

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