Quand le jeune Raury sortait son premier succès intitulé God’s Whisper, il s’insurgeait contre une grosse colère de sa mère l’ayant attrapé en train de consommer des substances illicites. De la révolte d’un sale gamin émergea alors un titre caméléon, à la voix et au message passionné. Ce que Raury abandonne au glamour, il le gagne en éloquence. Très vite, celui qui se définit comme le messie de sa génération (une génération dite "Indigo"), a commencé à affirmer vouloir devenir l’un des plus grands lyricistes, sinon le plus grand. Quelque mois plus tard, adoubé par Kanye West (la mégalomanie rapproche) et plusieurs premières parties avec OutKast, Raury sortait enfin son premier LP, évidemment intitulé Indigo Child.
Première surprise, les 9 titres (+ 4 interludes) de celui-ci sont proposés en téléchargement gratuit sur le site du jeune artiste. Une démarche louable, qui n’est pas sans s’inscrire dans sa démarche quelque peu hétéroclite.
Musicalement, "God’s Whisper" fut un titre riche, fleurant la jeunesse et toute l’impunité sous-entendue par celle-ci. Largement porté par des cris variés, des claps et une grosse percussion au rythme régulier, le chant distant du musicien presque mystique, convoquait une atmosphère échaudée et surtout ultra passionnée ! "Indigo Child" s’insère dans cette même brèche et tente de ré exploiter ce mouvement sonique avec plus ou moins de succès. "War Pt.1" seconde piste d’ouverture, annonce très vite la couleur avec ses paroles "We’re Together, we ‘re the truth / We’re forever, we’re the youth".
Mais entendons-nous bien, si l’effet atteint n’est pas forcément celui de son titre précédent, des titres comme "Cigarette Song" conjurent des similitudes frappantes d’avec la Nu’Soul de Me’Shell Ndgeocello. Une comparaison fortuite, d’autant plus que tout comme pour l’impératrice de la Nu’Soul, les vocalismes de Raury tendent vers un androgynisme incertain alors que les rythmes singent facilement des rythmiques Rock and Roll ("Chariots of Fire").
Une vérité qui place alors Raury comme l’héritier d’une culture musicale melting-pot, situé à des lieux de l’univers hip-hop où l’on aurait voulu le cantonner. A l’écoute, "Wildfire" ou l’excellent titre d’ouverture "Armor", conjuguent diverses inspirations dans un équilibre et une symbiose impressionnante. On y découvrira une musicalité plurielle au sein de laquelle les genres se rencontrent et s’accommodent les uns aux autres sans jamais se heurter.
Mais Raury reste le sale gosse qui a grandi dans la banlieue d’Atlanta et subi les réprimandes de sa mère, comme en témoigne les quatre interludes. Véritable plongée dans la vie personnelle de l’artiste, on l’entend ergoter avec sa mère qui ne goûte pas la lubie musicale de son fils. Un passage qui n’est pas sans diminuer cette impression de mégalomanie dégagée par le jeune homme. Et participe, au contraire, à l’image de rêveur incorrigible, collant à la perfection au jeune chanteur.
Vous l’aurez compris, Indigo Child est un album né des frustrations de Raury. Frustration, face à sa mère, à sa jeunesse, ses doutes et surtout son rêve. Somme toute derrière l’impétuosité de sa jeunesse, existe aussi un grand romantique.
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