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Lectures Aléatoires  (Bordeaux)  jeudi 15 janvier 2015

Allain Leprest, auteur-interprète majeur disparu en 2011, n’a sans doute jamais été aussi présent dans l’actualité que ces derniers mois : une fois le deuil passé, tout le monde semble se donner rendez-vous pour évoquer sa vie et célébrer son talent. Livres, disques et spectacles se succèdent, chacun avec un angle personnel – éclairant de multiples façons l’œuvre de celui qui n’avait pourtant enregistré que huit albums studio de son vivant, mais dont les textes disséminés chez quantité d’interprètes constituent la face immergée d’un corpus immense, qui remonte peu à peu à la surface et séduit chaque jour de nouveaux amateurs.

Il ne manquait que l’Université pour donner ses lettres de noblesse à une chanson que plus personne, depuis sa mort, n’ose qualifier d’art "mineur" : c’est désormais chose faite, avec un colloque organisé par Pascal Pistone, directeur de la filière musique de l’université à Bordeaux. Différents chercheurs, artistes, auteurs ou journalistes s’y sont retrouvés, jeudi 15 et vendredi 16 janvier dernier, pour témoigner, exposer leurs travaux ou amorcer des pistes de réflexions qui seront approfondies, d’ici quelques mois, lors de la publication des actes. De quoi contribuer encore à réhabiliter celui que l’on considère, de plus en plus, comme le digne héritier de Brassens, Brel ou Caussimon (plutôt que Ferré).

En point d’orgue à cette manifestation, Pascal Pistone, par ailleurs compositeur et musicien, a organisé aux Lectures Aléatoires un concert réunissant ses élèves de Licence Chanson (cursus visant à enseigner tous les métiers de la création aux aspirants auteurs-compositeurs-interprètes) et des artistes triés sur le volet. Des jeunes : Céline Pruvost, Guillaume Allardi et Armelle Dousset (moitié du groupe Metamek), Barthab, Yann Denis et Clémence Savelli. Des confirmés, proches de Leprest : Gérard Pierron, Francesca Solleville, Françoise Kucheida – ainsi que le pianiste "historique" Jean-Louis Beydon, qui illumina les deux merveilleux enregistrements "live" officiels d’Allain. A ses côtés, son complice percussionniste Jean-Luc Bernard, ainsi que le plus rare Michaël Geyre, qui avait également duettisé avec Beydon à plusieurs reprises et différents postes (synthétiseur, accordéon, etc.) derrière Leprest.

La soirée, majoritairement axée sur le répertoire du poète de Mont-Saint-Aignan, a aussi offert un espace d’expression aux jeunes artistes invités, qui ont pu y présenter leurs œuvres personnelles. L’occasion de joindre l’utile à l’agréable : en plus d’honorer un grand auteur, découvrir de prometteuses jeunes pousses – et éventuellement repartir avec leurs disques (on reparlera bientôt ici de ceux de Céline Pruvost et Metamek, qui nous ont impressionnés).

Difficile de rendre compte de toutes les bonnes choses entendues ce soir-là. Petit florilège : la douceur et le charme de Céline Pruvost sur la version italienne de "T’attends quelqu’un" (Leprest/JeHaN, album Les Ailes de JeHaN), et la finesse de ses mots sur les deux inédits interprétés ensuite – à la fois artiste et universitaire, elle interviendra aussi (brillamment) le jour suivant en tant que chercheuse. Guillaume Allardi, leader du groupe Metamek, a logiquement choisi d’interpréter "La Colère", texte de jeunesse d’Allain sous influence Ferré. On connaissait déjà deux versions de ce titre : la première par l’ami Didier Dervaux (musique Elizabeth Amsallem, non gravée) ; la seconde par Leprest lui-même (album Nu), pour un rendu plus proche du slam que de la chanson. C’est à cette dernière version qu’Allardi fait référence pour avouer que, peu convaincu par la musique (de Georges Augier de Moussac), il s’est autorisé à recomposer dessus. Belle initiative (un peu d’irrespect ne fait pas de mal), qui aboutit à une étonnante version, à la fois bluesy (bottleneck en folie) et noir-désireuse en diable, réminiscence de Bertrand Cantat dans la voix. Preuve, s’il en est, que la "chanson à texte" est soluble dans l’esprit rock, ouverte à tous les métissages. Dans la foulée, Allardi reprend aussi "Ton Cul est rond" (immortalisé notamment par JeHaN) et "Sarment" (emprunté à Francesca Solleville), parfaitement envoyés. L’ombre tutélaire du grand disparu ne pèse guère sur les épaules du jeune homme, qui blague en toute décontraction entre les chansons, avant d’offrir une de ses compositions ("Les Muscles de l’exil") qui ne souffre pas de la comparaison.

Les étudiants de Licence, quant à eux, interprètent une sélection de classiques d’Allain, dans une combinaison chand lead/chœurs qui leur confère une solennité nouvelle – allant jusqu’à suggérer (ironiquement) la religiosité sur l’anticlérical "Je ne te salue pas". A défaut de nommer tous les élèves, citons les principaux chanteurs, à peu près tous remarquables : Matéo Marquez Ferreira, Anne Sajous, Yara Kasti, Emilie Uthurry et Marion Raiffé. Ainsi que Barthab’, artiste invité présenté (avec humour) comme une "célébrité régionale", qui bénéficie des chœurs d’élèves sur une version poignante de "S.D.F.".

Proche de Pascal Pistone (pianiste et cosignataires de certaines de ses musiques), Clémence Savelli chante ensuite cinq titres (dont trois Leprest). Sous des dehors fragiles de petite jeune fille aux yeux charbonneux, la voix toute en sensibilité tremblée (mais parfaitement maîtrisée), elle interprète son répertoire avec une émotivité susceptible d’arracher des larmes à une porte de prison… Trop sans doute : alors que "Nu" et "Bilou" atteignent des sommets d’émotion, elle continue dans le même registre avec "Je viens vous voir", avant d’enfoncer le clou sur deux créations personnelles d’une noirceur naturaliste déconcertante. Malgré la sûreté de ses interprétations, elle est victime du manque de variété de son choix, et d’un répertoire à la tonalité trop obstinément doloriste. Un talent à suivre, néanmoins.

Enfin, les "grands anciens" apportent la preuve que, même sans répétitions, le poids d’une vie l’emporte, en matière de chanson, sur la perfection clinique. Gérard Pierron, dont la générosité pleine d’humour a ensoleillé les deux journées du colloque, livre une interprétation de "Goodbye Gagarine", sa première musique composée au début des années 80 sur un texte d’Allain. Il est intéressant de réentendre l’arrangement piano de Beydon (immortalisé sur le live 2002) avec la voix de son mélodiste : Pierron n’a pas besoin de livrer un chant parfait pour émouvoir. Au contraire, les menues imperfections (voix partant parfois un peu fort ou à côté), ajoutent à l’humanité du bonhomme – qui sous des dehors simples connaît assez sa propre composition pour éviter tous les pièges – et Gagarine est une chanson moins évidente que sa mélodie limpide le laisserait supposer. Pour preuve de la sûreté de son chant, il interprète ensuite un inédit de Leprest récemment mis en musique, "Le Doute", sans aucun accompagnement, laissant à la foule de musiciens et musicologues présents dans les travées le soin d’imaginer les arrangements qu’eux-mêmes, en rêve, pourraient lui adjoindre…

Quand Francesca Solleville lui succède, c’est un glorieux chapitre de la chanson "rive gauche" qui renaît sur scène : cette petite bonne femme charrie en elle tant de chansons et d’auteurs prestigieux, que chaque modulation de sa voix revêt une densité dramatique exceptionnelle. Sans parler de ces brisures, fréquentes, qui illustrent merveilleusement le vers d’Aragon (dans l’Epilogue mis en musique par Ferrat) : "Le chant n’est pas moins beau quand il décline". Elle le prouve une nouvelle fois, interprétant "Les P’tits Enfants de Verre" sous les yeux de son compositeur (Gérard Pierron) : peu importe qu’elle inverse les couplets, le public remet de lui-même les mots dans le bon ordre, et l’émotion passe, plutôt deux fois qu’une. Elle conclut sa prestation par une anecdote poignante autour d’une chanson avec laquelle elle a gagné (sans y rien comprendre) un concours de chant à l’âge de douze ans : "Mon Légionnaire" ! Qu’elle l’interprète ensuite, avec toute l’épaisseur que lui confèrent ses presque soixante ans de métier. Quelle leçon pour les jeunes étudiants ! Quel exemple pour leurs profs ! Peu importe soudain que le texte ne soit pas de Leprest : plus personne ne s’en soucie – seul importe à ce moment précis, la communion autour de grandes chansons.

Et c’est Françoise Kucheida qui met un terme à la soirée : venue en simple spectatrice, elle ne se fait pas trop prier – lorsque des spectateurs l’y encouragent – pour monter sur scène, malgré une jambe douloureuse. Elle y reprend au pied levé "Combien ça coûte", perle de l’album Voce A Mano (1992) reprise dans son dernier spectacle (Sous les ailes d’Allain, disponible en CD). L’occasion de vérifier, encore, qu’il n’est pas besoin de se lancer dans des vocalises d’athlète pour être une grande chanteuse. Et que l’on peut entamer une carrière discographique à cinquante ans passés, en gardant l’enthousiasme d’une toute jeune fille…

 

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Nicolas Brulebois         
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